La triste histoire de la royauté de Saül est terminée. Le chapitre 15 développe maintenant la déclaration antérieure de Samuel à Saül (13. 14), avant que ne soit introduite (au chapitre 16) la personne de David, le roi selon le cœur de Dieu.
Saül va subir une dernière épreuve d’obéissance. Mais la chair peut-elle se soumettre à la loi de Dieu ? Non.
Ce chapitre met en présence deux aspects de la chair, cette puissance morale qui régit la nature déchue de l’homme :
Amalek, petit fils d’Ésaü, lui-même premier-né d’Isaac, nous parle de notre vieille nature déchue. Lorsqu’Israël aurait du repos de tous ses ennemis à l’entour, il devrait effacer la mémoire d’Amalek. Et, par grâce, ce repos était accordé maintenant à Saül (14. 47, 48). Cette extermination totale lui incombait donc. Le commandement de Dieu était clair et assorti du motif (verset 2).
L’enseignement spirituel pour nous est évident : l’incompatibilité entre la chair et l’Esprit est totale et aucune conciliation n’est possible.
De prime abord, Saül semble disposé à obéir. Il réunit une armée considérable et remporte un succès rapide (verset 7). Dans un souci louable de justice, les Kéniens, descendants de Madian, sont avertis, car leur conduite avait été complètement différente de celle d’Amalek (verset 6). L’opération de Saül s’étend de Shur à Havila, c’est-à- dire d’un bout à l’autre du désert où habitait Amalek. Mais, de propos délibéré et de connivence avec le peuple, Saül épargne ce qui est bon à ses yeux, ainsi que le roi des Amalékites, Agag. Quelle erreur ! Le commandement était sans restriction comme autrefois pour le cas de l’anathème de Jéricho.
Dans le domaine spirituel, nous pouvons, par manque de foi, ne pas vaincre complètement telle ou telle convoitise. Mais il est beaucoup plus répréhensible de choisir délibérément et volontairement des objets de convoitise. C’est “prendre soin de la chair pour satisfaire à ses convoitises”. Saül choisit le meilleur et détruit le mauvais. Quant à nous, quels sont nos critères de choix ? Et surtout, avons-nous le choix ? Obéir à Dieu dans la mesure seulement où sa volonté nous agrée, ce n’est pas obéir. “Maudit celui qui fera l’œuvre de l’Éternel frauduleusement” (ou lâchement). Nous jugeons souvent d’après nos goûts. Nous condamnons volontiers ce qui nous paraît vil, mais nous épargnons d’autres choses, peut-être pires (symbolisées par Agag dans le récit). La chair peut aussi faire illusion dans le domaine spirituel, mais elle est incapable d’accomplir toute la volonté de Dieu.
Comme Moïse, lors du veau d’or, Dieu met son serviteur Samuel au courant de la triste nouvelle et il lui révèle sa pensée. Si Saül a interrompu sa mission, Dieu interrompra son règne (versets 10, 11). Se “repentir”, pour Dieu, signifie changer de moyens pour accomplir ses desseins qui, eux, ne changent pas. Il ne s’agit pas pour Dieu de regretter ce qu’il a fait, ou de reconnaître qu’il s’est trompé comme un hommeNombres 23. 19. Saül étant disqualifié, l’Éternel se servira d’un autre. Mais ses desseins de grâce sont immuables et sans repentir (verset 29).
Pour Dieu, une obéissance partielle équivaut à une désobéissance et une indifférence à sa volonté est une véritable rébellion (versets 11, 23).
Fidèle à son caractère, et avec une tendresse exemplaire, Samuel intercède toute une nuit. Il s’était attaché au roi par une profonde affection naturelle et grande est sa déception (verset 11 ; 16. 1). Il se rend à Carmel, ville de Juda dont le nom signifie “lieu d’abondance”. Par le trophée (littéralement cette “main”) que Saül s’érige là, prétend-il affirmer l’achèvement de sa mission ? Il marque en tout cas son contentement de soi, avant sa marche triomphale à Guilgal (verset 12). Voyant arriver Samuel, il le salue avec emphase et se vante bruyamment en affirmant son obéissance. Malheureusement, le bruit du bétail épargné apporte un démenti qui a plus d’effet sur Samuel que toutes les explications du roi (versets 13, 14).
Le premier réflexe de Saül est d’impliquer le peuple dans cette histoire : il prétend n’avoir rien à faire avec les troupeaux épargnés mais il s’attribue conjointement la destruction des ennemis et de leurs biens (“nous”, verset 15, “je” à quatre reprises, verset 20). Samuel coupe court à ses paroles et donne sans faiblesse le verdict de Dieu (verset 16). Il lui rappelle :
De petit à ses propres yeux, il était devenu grand dans ses pensées (9. 21 ; 22. 13). Mais Saül écarte la réprimande et ne tremble pas à ces paroles. Il se justifie et met à nouveau en cause le peuple (versets 20, 21, 24). Mais c’est lui le roi, le responsable, le seul qui avait des comptes à rendre. Dans sa réponse, Samuel établit un principe divin fondamental et immuable (versets 22, 23). Aucun culte, aucun service pour Dieu ne peut lui être agréable s’il est fait dans le mépris ou même la simple négligence de sa volonté. Si les moyens que nous utilisons pour servir Dieu laissent une part active à la chair, c’est pour Dieu une rébellion, un péché directement inspiré de Satan.
Le rejet déjà annoncé de Saül (13. 14) est confirmé ici. “J’ai péché”, dit-il (comp. verset 30 ; 26. 21). Mais quelle valeur a cette confession charnelle qui, tout de suite, s’accompagne d’excuses et même d’accusations contre le peuple qu’il a finalement craint plus que Dieu ? Ce qui compte pour Dieu est le brisement et l’humiliation du cœur, non la peur des conséquences.
Saül demande pardon pour échapper à la sentence, comme le fera plus tard Simon le magicien. Il veut aussi sauver ses apparences pieuses en se prosternant devant l’Éternel. Bien plus préoccupé de sa dignité que de sa culpabilité (versets 24, 25, 30), il recherche la caution de la présence de Samuel qui la lui refuse par trois fois (versets 26, 27, 28). Le prophète fait usage d’une expression unique dans les Écritures : “La sûre Confiance d’Israël ne ment pas” (verset 29). Personne ne connaît encore le nom du successeur de Saül, mais déjà son caractère moral est annoncé. Finalement, Samuel respecte la position royale provisoirement maintenue de Saül et se range à son désir (verset 31).
Samuel exécutera lui-même ce que Saül avait négligé. Le jugement de Dieu tombe sur Agag (verset 33). Alors, retournant chacun en son propre lieu, le prophète et le roi se quittent pour ne plus se revoir, sauf à l’occasion du terrible épisode d’En-Dor, qui se déroulera dans le monde invisible (28. 14).
Tout ce chapitre nous montre que Dieu condamne la chair, dans laquelle il n’habite aucun bien, même sous son meilleur aspect. En plusieurs circonstances, Saül montre la faiblesse et la velléité de l’homme naturel : il est incapable de trouver les ânesses, d’attendre Samuel (13. 9), d’attendre la réponse de l’Éternel (14. 19), de détruire complètement Amalek (15. 9). Comme Paul, n’épargnons rien de ce qui appartient à notre ancienne nature, si bon que cela puisse paraître, mais rejetons-le comme des ordures.