Paul avait écrit cette lettre aux Philippiens pour les remercier du don qu’ils lui avaient envoyé par Épaphrodite. Si nous avions eu à rédiger cette lettre, peut-être aurions-nous commencé par remercier de cet envoi qui, semble-t-il, arrivait à point nommé et fut un encouragement particulier pour le prisonnier. Mais ses besoins personnels passaient après le bien de ses frères.
La libéralité, réalisée dans la dépendance de Dieu et reçue de Sa main, produira toujours de la joie et de la reconnaissance envers Dieu2 Corinthiens 9. 11, qui s’exprimeront par des actions de grâces.
Il semble que Paul recevait rarement de l’aide des assemblées. Il n’avait rien accepté des Corinthiens à cause de leur mauvais état spirituel1 Corinthiens 9. 12 ; 2 Corinthiens 7. 2. A Thessalonique, il avait travaillé, nuit et jour, pour n’être à charge à personne, tout en annonçant l’Évangile1 Thessaloniciens 2. 9. Ses relations avec les Philippiens étaient simples et cordiales, aussi leur dit-il : votre intérêt pour moi a “enfin” pu refleurir. L’avaient-ils oublié, alors qu’il était dans le besoin ? Quand, leur affection réveillée, ils envoient Épaphrodite avec le don préparé, témoignage concret d’amour pour le prisonnier de Jésus Christ, quelle joie pour l’apôtre ! Il adoucit ce que le mot “enfin” aurait pu suggérer de reproche, en disant “l’occasion vous a manqué”.
Être content en toutes circonstances est vraiment un apprentissage. Que de leçons difficiles à l’école de Dieu dans la vie de Paul ! Une vie d’exception pour un serviteur hors du commun2 Corinthiens 11. 23-33 ! Le secret du contentement est dans sa relation intime avec le Seigneur et dans une confiance absolue en son Père. “Toutes choses (même les plus difficiles) travaillent ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu” Romains 8. 28 avait-il écrit, dans l’expression d’une entière soumission à sa volonté.
Parfois nous sommes dominés par les circonstances, au gré des jours, heureux quand tout va bien, quand il fait beau, dépressifs et mécontents quand nous avons des déceptions, des contrariétésPsaume 107. 26. Jacob, écrasé de tristesse, s’était écrié : “Toutes ces choses sont contre moi !” Genèse 42. 36 Pourtant, sur son lit de mort, ayant enfin appris le but de Dieu dans sa vie, il a reconnu que Dieu avait toujours été son berger et l’avait délivré de tout malGenèse 48. 15.
Ces deux mots-clés, “apprendre” et “se contenter”, sont tout le programme d’une vie chrétienne heureuse. Ce n’est ni naturel ni facile. Déjà, du temps d’Élisée, la femme du pays de Sunem répondit à la question du prophète : “Qu’y a-t-il à faire pour toi ?” – “J’habite au milieu de mon peuple” ; elle se contentait de ce qu’elle avait, même si elle souffrait de ne pas avoir d’enfant2 Rois 4. 13. Nous vivons dans une civilisation de convoitises, dans un monde insatisfait qui murmure et revendique, se tourmentant pour avoir toujours plus. Au milieu d’une telle génération, en étant tout simplement contents de ce que nous avons, nous serons les témoins de Jésus Christ. “La piété avec le contentement est un grand gain” 1 Timothée 6. 6.
Abondance ou disette, l’apôtre était passé par diverses périodes. Peut-être avait-il connu une certaine aisance dans sa jeunesse, mais, à sa conversion, il avait tout laissé pour servir le Seigneur et ne l’avait jamais regretté. Être dans le dénuement peut conduire à murmurer et à se plaindre, être dans l’abondance peut faire oublier la dépendance de Dieu ; c’est pourquoi, Agur avait prié l’Éternel de ne lui donner ni pauvreté ni richesseProverbes 30. 8, 9. Bien mieux, les circonstances de Paul n’ont pas d’influence sur son état intérieur. On peut toutefois se demander en quoi consistait l’abondance d’un homme qui était devenu “comme les balayures du monde” 1 Corinthiens 4. 13 et qui marchait sur les traces de celui qui n’avait pas un lieu où reposer sa têteLuc 9. 58 ? Par contre, il connaissait certainement les privations, la faim, le froid, même s’il était satisfait de ce que le Seigneur lui donnait, “ayant amplement de tout”, “rassasié”, “comblé”. Ces versets ne sont pas un développement abstrait, mais une peinture de sa vie quotidienne.
Il est enseigné (ou “initié”) : ce verbe passif marque une action permanente, accomplie par le travail d’un autre. Chaque croyant est à l’école de Dieu et apprend, plus ou moins vite, ses leçons.
La vie de Paul est marquée par un dévouement complet à Christ, par une très grande dépendance, par une soumission confiante et par de la droiture. Aussi expérimente-t-il toute la fidélité de Christ à son égard. Il est fortifié ou “dynamisé” par celui qui a la toute-puissanceMatthieu 28. 18. Il est pourtant en prison et ignore s’il vivra le lendemain. Cette force qui est à sa disposition ne va pas être utilisée pour tuer ses gardiens ou l’empereur Néron et pour sortir de prison ; mais, jour après jour, elle va lui donner le pouvoir de se soumettre à la volonté de Dieu, à être heureux dans ses difficultés, en transcendant les circonstances. N’est-ce pas la plus grande force morale ? Est-ce possible à un simple mortel ? Non, mais “toutes choses sont possibles pour Dieu” Marc 10. 27.
Ainsi l’attitude de contentement de Paul n’est pas le résultat d’une bonne humeur congénitale ni le fruit d’une force de caractère exceptionnelle due à une discipline personnelle ; elle ne découle pas non plus d’une philosophie stoïcienne. C’est une leçon longuement apprise, le résultat d’une expérience personnelle avec le Seigneur.