Paul, tourné vers le passé, avait dit : “j’ai regardé” (verset 7). Un jour (sans doute quand il a été terrassé sur la route de Damas et durant les trois jours qui ont suivi) il a considéré ce qui faisait la trame de sa vie dans une nouvelle perspective. Plus de trente ans après ce jour-là, dans sa prison de Rome, son estimation n’a pas changé, il dit au présent : “je regarde toutes choses comme une perte”. Rien ne peut égaler à ses yeux la connaissance de Christ.
Quand quelqu’un se convertit, Christ est tout pour lui. Le monde et ses tromperies n’ont plus d’attraits. Mais les années passent et parfois ce que l’on a rejeté en bloc reprend peu à peu de l’importance ; l’énergie du premier amour s’émousse ; et bien que la marche soit extérieurement correcte, mille et une choses viennent s’interposer entre Christ et un cœur qui l’aime encore.
Pour quoi donc ou pour qui Paul a-t-il renoncé à tous ses avantages ? Faut-il tant insister sur le renoncement dans la vie chrétienne ? Oui, car c’est pour connaître la personne qu’on aime par-dessus tout ! Connaître personnellement, intimement, le Christ Jésus “mon Seigneur” ! C’est une connaissance non pas livresque, mais vécue, expérimentée, pleine de douceur et de proximité, la connaissance de celui qui a toute autorité sur ma vie, à qui je suis soumis. C’est réellement le secret d’une vie heureuse et dévouée.
Paul a tout perdu ou laissé ; pourquoi n’en a-t-il pas de regret ?
Parce que, selon son estimation, ces choses du passé ne sont que des ordures, bonnes à mettre au rebut. Par contre, qu’a-t-il gagné ? Christ lui-même ! Dans la contemplation et l’amour d’une personne qui remplit le cœur, le dépouillement se fera tout naturellement. C’est le secret de la sanctification personnelle. Le Seigneur a dit : “Si ton pied, ta main, ton œil… est pour toi une occasion de chute, coupe… arrache…” Matthieu 18. 8, 9 Ces choses qui ont de la valeur “pour toi”, pour lesquelles tu perds du temps, mais qui font obstacle à une vie chrétienne plus riche, plus consacrée, abandonne-les. Seulement il est question, non pas de marcher à reculons, en regrettant ce qu’on laisse, mais d’avancer vers le Seigneur, parce qu’il a du prix pour le cœur, à l’exemple de Bartimée l’aveugle, jetant son manteau, pour mieux courir vers JésusMarc 10. 50.
Des images de l’A.T. peuvent nous aider à comprendre cette expression. Quand un homme était coupable d’un homicide involontaire, il pouvait s’enfuir dans une ville de refuge pour échapper au vengeur du sang et y trouver sécurité. Tant qu’il était dans la ville, le jugement ne pouvait pas l’atteindreNombres 35. 9-34. Le prophète Ésaïe annonce le terrible jour de l’Éternel où ceux qui habitent Israël subiront la peine de leur culpabilitéÉsaïe 24. 6. Mais il existe une ville forte, qui a le salut pour muraille et pour rempart ; ceux qui y habitent y goûtent la paixÉsaïe 26. 1-5.
D’une part, le Seigneur est pour nous cette ville de refuge, ville forte où l’on jouit du salut. D’autre part, en lui, nous sommes rendus agréablesÉphésiens 1. 6. Nous sommes justifiés devant Dieu, parce que la justice de Christ nous est attribuée et Dieu montre qu’il est juste en justifiant celui qui croit en l’œuvre de ChristRomains 3. 24-26. Saul de Tarse s’était revêtu d’une justice légale, ce n’était que vêtements souillésÉsaïe 64. 5. Depuis la première désobéissance, l’homme a toujours essayé de recouvrir sa nudité morale, la honte de son péchéGenèse 3. 10. C’est impossible ! Seule l’œuvre de Christ peut satisfaire la justice de Dieu. Quand j’ai accepté par la foi l’œuvre de Christ, je suis justifié, je suis en ChristRomains 8. 33.
Nous pouvons connaître Christ par le Saint Esprit, à travers les Écritures et à travers nos circonstances, en apprenant à vivre dans sa communion et en cherchant à Lui plaire. Une connaissance objective de Christ par la lecture de la Parole s’approfondira de jour en jour et s’intériorisera “de sorte que le Christ habite par la foi dans vos cœurs” Éphésiens 3. 15 ; elle conduira à une identification plus réelle et à une intimité plus grande avec Lui.
Le connaître, c’est connaître la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances. Christ a d’abord connu les souffrances, la mort, avant la résurrection. Mais Paul parle en premier de la puissance de sa résurrection, cette puissance de vie qui jaillit de la résurrection de Christ et que Paul a expérimentée dans sa vie. La force extraordinaire que Dieu a montrée en ressuscitant Christ d’entre les morts est à la disposition des croyantsÉphésiens 1. 19-22. La résurrection de Christ est aussi la base de l’espérance chrétienne, car elle est la preuve de la victoire de Christ1 Corinthiens 15. 17. Cette force toute puissante agissait dans la vie de Paul et l’aidait à vivre “en nouveauté de vie” Romains 6. 4.
La vie de Paul s’est accompagnée de souffrances. Le Seigneur avait dit à Ananias à son sujet : “Je lui montrerai combien il doit souffrir pour mon nom” Actes 9. 16. Paul le persécuteur apprit ce que c’est d’être persécuté. La communion des souffrances de Christ n’a rien à voir avec les souffrances expiatoires de la croix. Mais les souffrances traversées par l’apôtre furent aussi celles de Christ dans une vie de fidélité à Dieu, de témoignage. La souffrance fait partie de l’expérience chrétienne2 Timothée 2. 3. Refuser la souffrance c’est refuser de suivre Christ. C’est dans la souffrance qu’une communion spéciale avec Christ peut être goûtée et sa présence réalisée2 Timothée 4. 17. Paul accepte la pensée d’être rendu semblable à lui, même jusqu’à la mort. Ce n’est pas une vue théorique, car il est déjà dans l’antichambre de la mort.
Craint-il de ne pas participer à la résurrection d’entre les morts ? Non, il affirme avec assurance que, quel que soit le prix à payer, il désire atteindre le but, même à travers la mort par la résurrection ; mais il attend chaque jour la venue de Christ pour chercher les siens1 Corinthiens 15. Il ne dit pas : ceux qui seront vivants quand le Seigneur viendra seront enlevés, mais “nous les vivants qui demeurons…” 1 Thessaloniciens 4. 17 Il se demande donc s’il passera par la mort et la résurrection ou si le Seigneur reviendra avant sa condamnation. Mais il est prêt à mourir pour Christ, car il réalise pleinement l’effet de la croix de ChristGalates 2. 20