Israël ne s’est, en fait, jamais complètement relevé de l’égarement de Gédéon à la fin de sa vie, suivi de la désastreuse intervention d’Abimélec.
Le peuple se trouve maintenant très affaibli moralement lorsqu’apparaît Jephté, le huitième juge. Néanmoins, Dieu se sert de celui-ci pour opérer le quatrième réveil parmi son peuple.
L’origine de Jephté est plus triste encore que celle d’Abimélec (comp. 8. 31 et 11. 1). Le début de sa vie s’engage mal : “des hommes légers” se ramassent autour de lui (verset 3) ; de la même façon, Abimélec avait auparavant loué avec l’argent des idoles “des hommes légers et téméraires” (9. 4). Heureusement, la comparaison s’arrête ici, et Jephté, envoyé par Dieu1, montre plusieurs traits touchants de Christ. Abimélec, homme impie, s’était révélé un chasseur, tandis que Jephté montrera qu’il est un berger2, malgré ses faiblesses.
Avant d’être le libérateur, Jephté est chassé par ses frères. C’est en lui la première et la plus belle figure de Christ. Joseph, le fils aimé de son père, avait été rejeté dans sa personne avant d’être le soutien de la vie de ses frèresGenèse 37. 4 ; 41. 45 ; 45. 5. Moïse avait été rejeté dans sa mission, avant de revenir comme chef et libérateurActes 7. 27, 35.
A son tour, Jephté connaît le même sort. Ses frères invoquent sa naissance pour le chasser (verset 2). Le monde saisit tous les prétextes pour refuser les messagers de Dieu. Ainsi, le Seigneur de gloire sera rejeté comme Nazaréen, et finalement mis à mort parce qu’il était Fils de DieuJean 19. 7.
Jephté ne résiste pas, abandonne ses droits et s’enfuit (verset 3). Son refuge, Tob, semble être dans le pays des fils d’Ammon2 Samuel 10. 6, précisément les ennemis qui opprimaient Israël à ce moment-là. David, plus tard, commettra la même erreur : chercher refuge au milieu des ennemis du peuple1 Samuel 21. 11-16 ; 27. 1-4.
Mais lorsque les fils d’Ammon font la guerre à Israël, les anciens de Galaad reviennent chercher Jephté pour le prendre comme chef et capitaine. Ceux mêmes qui l’avaient haï et chassé sont maintenant dans la détresse (verset 7). Jephté consent à revenir avec eux pour combattre les ennemis, mais refuse d’être leur chef avant la victoire.
Il en sera de même au temps du relèvement du peuple d’Israël, après l’enlèvement de l’église. Ceux qui avaient rejeté leur Messie se tourneront vers lui dans un esprit de supplicationZacharie 12. 10. Alors Christ sera reconnu comme chef de son peuple par le triomphe sur ses ennemis.
La position de Jephté (devant l’Éternel à Mitspa) à la tête du peuple est dès lors conforme à la signification de son nom : “Il ouvrira, il libérera”.
Avant d’engager la guerre, Jephté tente une issue paisible, mais sans compromission, avec les fils d’Ammon. Il envoie à leur roi un message plein de noblesse.
Il n’était pas exact qu’Israël avait pris le pays des fils d’Ammon à la sortie d’Égypte (verset 13). Au contraire, la rétrospective historique donnée par Jephté montre à l’évidence qu’Israël n’avait lésé ni Édom, ni Moab, ni les fils d’Ammon (des nations proches du peuple de Dieu par leur origine). En revanche, Dieu avait dépossédé les Amoréens, selon un jugement décrété depuis longtempsGenèse 15. 16, pour donner leur pays en héritage à Israël. Même Balak, roi de Moab, dans son désir insensé de maudire Israël, n’avait pas mis en cause des possessions qui lui étaient reconnues depuis trois cents ans (versets 25, 26).
La leçon morale pour nous de ce conflit entre Jephté (associé à Israël) et le roi des fils d’Ammon est importante. Les Amoréens sont la figure de nos ennemis spirituels dans les lieux célestesÉphésiens 6. 12. C’est contre eux que se mène le vrai combat pour maintenir la possession de l’héritage (verset 24). Au contraire, les trois autres nations (Édom, Moab et les fils d’Ammon) parlent du danger des mélanges religieux issus de la chair. Ces nations prétendaient avoir un droit sur Israël et son héritage, parce que le peuple s’était lié avec elles pour partager leur idolâtrie. Sans chercher à les reconnaître comme ennemis ou comme amis, il faut s’éloigner d’euxRomains 16. 17. En définitive, gardons la Parole de Dieu, et tenons-nous séparés du monde religieux, pour jouir en paix de notre héritage en Christ.
Lorsque le conflit est décidé par les ennemis, il faut faire face. Mais si notre état moral est bon (le travail de repentance avait été opéré au chapitre 10), Dieu sera avec nous : “L’Esprit de l’Éternel fut sur Jephté” (verset 29). La délivrance est totale et les fils d’Ammon sont humiliés. La situation est complètement renversée en faveur du peuple d’Israël par rapport au début de cette période (10. 7-9). Un réveil peut ainsi produire des effets remarquables, même dans un temps de ruine.
Comme Moïse autrefois, Jephté “parle légèrement de ses lèvres” Psaume 106. 33. Il prend un engagement irréfléchi vis-à-vis de Dieu, offrant de payer la victoire sur les ennemis par une offrande (versets 30, 31). Nous sommes au bénéfice de la grâce, et Dieu ne nous demande pas de contrepartie à ses délivrances, sauf la reconnaissance de nos cœurs. La Parole nous met en garde contre le danger des vœux et promesses exprimés à la légèreProverbes 6. 1-5 ; 20. 25.
Au retour du combat, Jephté est lié par son vœu : “Quand tu voueras un vœu à l’Éternel, ton Dieu, tu ne tarderas pas à l’acquitter” Deutéronome 23. 21 ; Ecclésiaste 5. 4.
“Sa fille… seule, unique” (verset 34) doit alors répondre au téméraire engagement de son père. La foi qui avait manqué au père brille maintenant dans sa fille ; elle se soumet, tout en ayant le cœur brisé : elle ne serait jamais mère en Israël d’une postérité qui la placerait dans la généalogie du Messie. Elle pleure deux mois sa virginité avec ses compagnes, avant que Jephté accomplisse le vœu à son égard (versets 38, 39).
Quelques traits de cette scène rappellent le sacrifice d’Isaac par AbrahamHébreux 11. 17-19, et plus encore, celui de notre Sauveur, le vrai Isaac. Mais, en même temps, que de différences ! Christ est “le Fils unique qui est dans le sein du Père” Jean 1. 18, son “unique fils bien-aimé” Marc 12. 6. Connaissant la volonté de son Père de toute éternité, il lui dit, en entrant dans le monde : “Voici, je viens, pour faire, ô Dieu, ta volonté” Hébreux 10. 7, 9. Alors, il est “livré par le conseil défini et par la préconnaissance de Dieu” Actes 2. 23.
Dans notre mesure, nous sommes exhortés par l’apôtre, à l’image de la fille de Jephté, à présenter nos corps, en sacrifice vivant, saint, agréable à DieuRomains 12. 1.