Avec ce chapitre commence la troisième division du livre d’Ésaïe. Cette division pourrait, a-t-on dit, s’intituler : l’Assyrien, ou l’accomplissement des voies de Dieu pour le salut de son peuple terrestre. Avant d’accorder ce salut, l’Éternel jugera Éphraïm et Juda par le moyen de l’Assyrien qui sera ensuite détruit.
Six malheurs sont annoncés du chapitre 28 au chapitre 33. Ils se relient au “malheur à moi” du verset 16 du chapitre 24 et constituent le pendant du chapitre 5 où les six “malheurs” sont suivis du “malheur à moi” du verset 4 du chapitre 6.
Éphraïm est le royaume d’Israël dont la capitale est Samarie. C’est à lui que s’adresse le premier des six “malheurs” de cette partie du livre.
Le site de Samarie était si beau que la ville est appelée ici “la couronne d’orgueil d’Éphraïm”. L’état moral du peuple ne correspondait pas à l’aspect de sa capitale. C’étaient des gens aussi insensés que des ivrognesOsée 4. 11. Le Seigneur va donc livrer Samarie à l’Assyrien qui la convoitait depuis longtemps. Ce qui reste de la gloire de Samarie – la fleur flétrie de son bel ornement – sera englouti en un instant, comme un fruit précoce est avalé par celui qui le voit. Historiquement, cette prophétie a été accomplie par Shalmanéser en la sixième année d’Ézéchias2 Rois 18. 9, 10. “En ce jour-là”, le pieux roi de Juda rechercha la délivrance auprès de l’Éternel, le Saint d’Israël (37. 14-20), qui demeurait encore à Jérusalem et en était la gloire. L’Éternel des armées est donc la couronne de beauté du résidu (verset 5), tandis que l’orgueil couronne les ivrognes d’Éphraïm (verset 1) et qu’aujourd’hui, les ennemis de la croix du Christ trouvent leur gloire dans leur hontePhilippiens 3. 19.
Mais ce ne sont là que des préfigurations de ce qui est à venir. Éphraïm annonce ce que sera l’état moral de la nouvelle nation d’Israël, incrédule et apostate, au milieu de laquelle pourtant un faible résidu dont Ézéchias est le type, restera fidèle à l’Éternel.
Juda a suivi le même chemin qu’Éphraïm (verset 7). Non seulement le peuple est moralement égaré par la “boisson forte” – tout ce qui satisfait le cœur de l’homme sans Dieu – si bien qu’il a oublié son caractère de nazaréenNombres 6. 3, 4, c’est-à-dire de peuple séparé pour l’ÉternelNombres 23. 9, mais pis encore : le sacrificateur et le prophète ont suivi le même chemin. Ceux qui devraient garder la connaissance et enseigner la loiMalachie 2. 7, 8, sont encore plus corrompus que le peuple et ne peuvent plus être enseignés de Dieu. L’Éternel se tourne donc vers les petits enfants, pour leur apprendre petit à petit les commandements et les Écritures (verset 10).
Au verset 11, le prophète s’interrompt, car un changement s’est produit : le peuple a refusé le repos que l’Éternel voulait lui donner et a méprisé sa parole. Il ne sera donc plus enseigné doucement comme de petits enfants : c’est par la voix d’étrangers hostiles que Dieu désormais leur parlera. Mais le peuple incrédule ne voudra voir dans la parole que commandements et ordonnances au lieu de comprendre que Dieu veut “miséricorde et non pas sacrifice” Matthieu 9. 13, si bien qu’il a rejeté son Messie lors de sa venue en grâce.
À partir du verset 14, le prophète passe de l’endurcissement de Juda lors de la première venue de Christ (verset 13), au jugement prophétique du dernier jour (verset 17). Des hommes incrédules – les moqueursPsaume 1. 1, 2 (verset 14) – gouverneront à Jérusalem. Se sachant menacés par “le fléau qui inonde” – l’Assyrien – ces hommes s’allieront avec le shéol, c’est-à-dire la Bête romaine, et feront un pacte avec l’Antichrist.
Qu’en est-il du résidu pieux en un tel moment ? Il se fie à la précieuse pierre de coin, c’est-à-dire au Seigneur Jésus, et il sera délivré, le moment venu. Le peuple apostat, lui, n’échappera pas. Car il pensait se reposer sur son alliance comme sur un lit et se protéger comme par une couverture : il va découvrir que le lit est trop court et la couverture trop étroite. L’Assyrien, comme un torrent qui roule nuit et jour, dévastera Jérusalem. La “consomption décrétée”, c’est-à-dire le jugement qui consume le mal, vient sur toute la terre. Ce sera le premier siège de Jérusalem : la ville sera prise et la moitié de sa population emmenée en captivitéZacharie 14. 1, 2.
La pensée première de l’Éternel n’est pas de juger et de consumer : c’est là son “œuvre étrange”, son “travail inaccoutumé”. Mais, pour que la terre produise du fruit, elle doit être labourée, aplanie, avant de pouvoir être ensemencée. La récolte doit être battue, le grain broyé. Par ces images, Dieu encourage les fidèles en leur montrant que le but de la tribulation est la bénédiction et la paix, dans la jouissance du fruit de son travail. Dieu insiste ici sur le fait que les jugements ne durent pas plus longtemps qu’il n’est nécessaire (verset 24), ils sont mesurés et adaptés à leur objet et au but poursuivi : Il n’emploie pas le bâton et encore moins le traîneau à tranchants (tribulum en latin – tribulation), lorsque la verge suffit (versets 27, 28).
Il s’adresse à Ariel, c’est-à-dire à Jérusalem où David demeura. Malgré de nombreuses “fêtes des Juifs”, Jérusalem serait pourtant assiégée, car ces fêtes ne seraient autre chose que des bruits de cantiquesAmos 5. 21-23, sans piété réelle. Alors, humiliée et dans la détresse, elle murmurera sa prière à l’Éternel, avec un “cœur brisé et humilié” Psaume 51. 19. Or, assaillie par les nations qui l’entourent, cette ville, sous le châtiment de l’Éternel, est toujours Ariel à ses yeux. Et soudain, ses ennemis sont anéantis, la victoire qu’ils pensaient avoir saisie n’est plus pour eux que comme un songe qui s’évanouit au réveil.
Il s’agit ici du second siège (encore à venir) de Jérusalem qui, cette fois, ne sera pas prise, car “l’Éternel sortira et combattra… et ses pieds se tiendront… sur la montagne des Oliviers” Zacharie 14. 3-5.
Ésaïe revient (verset 9) à l’état d’Israël, plongé dans la stupeur, l’aveuglement et le sommeil spirituel. Pour les docteurs du peuple, ceux qui savent lire, le livre de Dieu est comme scellé : ils ne veulent pas le comprendre. Le peuple invoque son ignorance pour refuser de le lire (verset 12). Alors, puisque sa parole est méprisée et que ce peuple n’honore l’Éternel qu’en paroles et non en vérité, un voile tombe sur leurs cœurs endurcisRomains 11. 8. Leur sagesse est réduite à néant par le jugement de Dieu sur eux (verset 14). Mais, a-t-on écrit, Dieu a substitué la croix à leur sagesse et sa colère devient le moyen de leur salut1 Corinthiens 1. 18-24.