L’apôtre s’interrompt par la parenthèse de ce verset pour montrer l’exemple suprême qui éclipse tous les autres. La libéralité de notre Seigneur manifesta à la perfection les trois qualités citées plus haut :
Comment comprendre l’abaissement du Seigneur ? Il faudrait pour cela pouvoir estimer sa dignité de Fils, apprécier ses richesses insondables avant son incarnation. Il faudrait comprendre sa gloire éternelle auprès du Père avant que le monde fût. Il possédait toutes les richesses du ciel et de la terre. Il en était l’héritierHébreux 1. 2. Tout avait été créé pour luiColossiens 1. 16. C’est à lui que l’on dira : “Digne est l’agneau de recevoir… richesse” Apocalypse 5. 12.
Mais il a vécu volontairement dans la pauvreté matérielle ici-bas. Il n’a pas eu de berceau à sa naissance. Et durant toute sa vie, il n’avait pas de lieu pour reposer sa têteLuc 9. 58 ; il était assisté par les biens de femmes pieusesLuc 8. 3. Il est resté pauvre toute sa vie. C’est bien de lui, et de lui seul que l’on peut dire qu’il a “vendu tout ce qu’il avait” Matthieu 13. 44, 46. “Afin que par sa pauvreté vous soyez enrichis” : Paul ne dit pas “nous” mais “vous”, comme si le Seigneur n’avait été pauvre que pour eux, les Corinthiens. Il fallait qu’ils comprennent combien ils étaient débiteurs envers leur Sauveur.
Et la richesse que cette pauvreté leur a acquise, n’est rien moins que l’héritage avec le Christ pour l’avenir. Dès maintenant ils avaient tous les dons de grâce1 Corinthiens 1. 4-8, mais ils ne mesuraient pas pleinement leur privilège, sans parler de leurs richesses temporelles.
En sacrifiant un peu de leurs biens terrestres, ils laisseraient intactes leurs richesses spirituelles. Oui, bienheureux seront-ils, s’ils comprennent le pauvrePsaume 41. 2 et s’ils imitent tant soit peu un tel modèle, sans pouvoir jamais atteindre la profondeur de son abaissementPhilippiens 2. 5-11.
L’apôtre reprend son propos du verset 8. Il donne un avis et se garde bien de commander. Admirons, en passant, son ton bienveillant. Reconnaissons que bien souvent, au contraire, nos expressions manquent vite de chaleur quand il s’agit de réveiller l’ardeur de nos frères.
Trois étapes sont signalées : faire, vouloir et achever de faire. Cette troisième étape manquait chez les Corinthiens. Une collecte avait bien commencé, l’année précédente, en toute bonne volonté. Mais cette action devait arriver à bonne fin ; et le délai d’un an paraissait bien suffisant (9. 2).
Dans tout cela, nous savons que tout vient de Dieu. Paul écrira plus tard aux Philippiens : “C’est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le faire, selon son bon plaisir” Philippiens 2. 13. Il ne fallait pas non plus se contenter de donner de son superflu. Car, alors, où serait le “sacrifice” ? La bienfaisance doit toujours présenter le caractère d’un sacrifice : “N’oubliez pas la bienfaisance et de faire part de vos biens, car Dieu prend plaisir à de tels sacrifices” Hébreux 13. 16.
Personne ne devait dépasser sa mesure de biens matériels et sa mesure de foi. L’apôtre ne leur demande pas l’impossible. Chaque partie du corps de Christ doit opérer selon sa mesureÉphésiens 4. 15, 16.
Pour que le don soit agréable, il doit :
En effet, Paul ne veut pas les charger à l’excès, mais éviter de trop grandes inégalités. Ce partage doit montrer que les membres du corps de Christ ont “un égal soin les uns des autres” 1 Corinthiens 12. 25.
Le chrétien dit : “Ce que j’ai est à toi”, et non pas : “Ce que tu as est à moi”. Veillons tous bien à penser et à parler comme de vrais croyants, et à ne pas invoquer la solidarité chrétienne pour rechercher notre intérêt personnel.
Le but n’était pas d’aboutir à un renversement de situation qui pouvait d’ailleurs se produire spontanément d’une année à l’autre ; car rien n’est stable et définitif sur la terre. Dans cette éventualité, la solidarité s’exercerait dans l’autre sens. C’est pourquoi l’apôtre spécifie : “que dans le temps présent cette abondance supplée à leurs besoins” (verset 13).
Il en était ainsi à ce moment-là, relativement aux biens matériels. Mais quant aux biens spirituels, c’était l’inverse : les croyants juifs avaient enrichi ceux des nationsRomains 15. 26, 27. Aussi les Corinthiens, croyants d’entre les nations, avaient-ils une très grande dette morale envers leurs frères de Jérusalem.
Paul illustre cette notion d’égalité par le rappel de la manne dans le désert (verset 15). Elle venait du ciel. On n’avait pas à la produire mais seulement à la ramasser. On ne devait pas craindre d’en manquer : il y en avait assez pour chacun.
Les Corinthiens ne seront pas plus pauvres après avoir exercé la bienfaisance. La joie de donner subsistera et la joie de recevoir continuera à susciter des actions de grâces envers Dieu. Mais ces versets ne sont pas écrits pour favoriser la paresse ou l’esprit de mendicité. L’apôtre avait donné l’exemple du travailActes 20. 33-35.
Une conclusion se dégage pour nous : devant les inégalités matérielles permises par Dieu, chacun doit réfléchir et être prêt soit à donner, soit à recevoir, mais toujours dans la crainte du Seigneur.