Le chapitre commence par un péché grave et se termine sur une omission. Il montre ainsi la difficulté de se maintenir à la hauteur d’un privilège divin.
Nadab et Abihu, les deux fils aînés d’Aaron1 (verset 3), avaient accompagné leur père au SinaïExode 24. 1. Ils venaient d’être consacrés sacrificateurs avec leurs frères Éléazar et Ithamar. Qualifiés pour offrir l’encens, ils présentent un “feu étranger” en désobéissance flagrante au commandement de l’Éternel, car Dieu établit la manière qui permet d’entrer en communion avec Lui (verset 1). L’expression “feu étranger” veut probablement dire : “feu non autorisé”, soit parce que le moment et la manière de l’offrir n’étaient pas convenablesExode 30. 9, 33, soit parce que le feu avait été pris ailleurs qu’à l’autel d’airain.
Le jugement est immédiat et exemplaire (verset 2). Le feu qui sort de devant l’Éternel est cette fois un feu de jugementDeutéronome 32. 22 ; Psaume 11. 6 ; Amos 7. 4. Ne pas juger cette désobéissance aurait été pour l’Éternel accepter la violation de la loi tout entière, par ceux-là mêmes qui avaient la responsabilité de l’enseigner au peupleDeutéronome 24. 8. Aaron se tait en présence du jugement qu’il aurait mérité lors de l’épisode du veau d’or (verset 3).
Ce jugement évoque ceux que Dieu a prononcés en des occasions similaires contre Coré et sa troupeNombres 16. 35, contre Uzza1 Chroniques 13. 10 et, dans le N.T., contre Ananias et SapphiraActes 5. 5-10.
L’Éternel lui-même sanctionne publiquement la désobéissance de Nadab et d’Abihu. Leur péché était d’autant plus grave, qu’il touchait au service du sanctuaire, accompli par les membres de la famille sacerdotale, la plus proche de Dieu. Les conséquences d’un tel jugement, qui aujourd’hui encore peut atteindre un chrétien, sont pour son corps et son service sur la terre.
En temps ordinaire, les sacrificateurs ne pouvaient s’occuper d’un mort. Toutefois, lorsqu’il s’agissait d’un parent proche, la loi le permettait (21. 1, 2). Ici, ce sont les cousins de Nadab et d’AbihuExode 6. 18 qui s’occupent d’emporter les corps (verset 4). Encore vêtus de leur tuniques, symboles de leur service et de leur privilège, Nadab et Abihu sont emportés hors du camp (verset 5). En pleurant la mort de Nadab et d’Abihu, Aaron et ses fils auraient pu donner l’impression qu’ils n’acceptaient pas pleinement la sentence divine. La seule attitude convenable pour Aaron était donc de garder le silence : c’est ce qu’il fait (verset 3).
Pourquoi une telle mise en garde contre le danger du vin et des boissons fortes (verset 9) ? Nadab et Abihu ont-ils agi sous l’emprise de la boissonProverbes 20. 1 ; Osée 4. 11 ? Ou était-ce une pratique liée au repas funèbreProverbes 31. 6, 7 ? De toute manière, le rôle du sacrificateur est solennellement rappelé ici : “discerner entre ce qui est saint et ce qui est profane, et entre ce qui est pur et ce qui est impur” (verset 10).
Pour éviter le risque de péché lié à l’intempérance, les sacrificateurs, comme le nazaréen qui avait fait un vœu, devaient renoncer à toute boisson forteNombres 6. 3-5 ; Juges 13. 4, 5. Il est licite de boire du vin comme une joie terrestre que Dieu accordePsaume 104. 15, mais avec modérationProverbes 23. 29, 30. Les conseils de l’apôtre Paul sont, à cet égard, toujours actuels1 Timothée 4. 3 ; 5. 23 ; Tite 2. 2, 3.
Après cette scène, Aaron et ses fils auraient pu être tentés de renoncer à la sacrificature. Moïse rappelle alors les prescriptions concernant la nourriture des sacrificateurs (versets 12-20). Cette nourriture réconforte leurs cœurs meurtris : ils mangent l’offrande de gâteau (image de la vie d’obéissance parfaite de Christ sur la terre), l’épaule élevée (symbole de la puissance de Christ à la croix), et la poitrine (symbole de son amour).
Puis, Moïse s’aperçoit que le sacrifice pour le péché, qui aurait dû être mangé, a été brûlé et demande la raison de ce qu’il prend pour une désobéissance (versets 16-18). Aaron répond que, par crainte de déplaire à l’Éternel, le sacrifice n’a pas été mangé. Moïse comprend qu’il ne s’agit pas d’une désobéissance volontaire ; il insiste alors pour que, malgré l’affaire de Nadab et Abihu, les privilèges sacerdotaux soient maintenus.
L’épisode de Nadab et d’Abihu et les instructions de l’Éternel à Aaron peuvent être rapprochés de 1 Corinthiens 11. Là aussi, les effets délétères de la boisson dans le déroulement du culte sont condamnés par l’apôtre Paul. Les conséquences dans l’assemblée à Corinthe rappellent le jugement de Nadab et d’Abihu : “plusieurs sont faibles et malades parmi vous et un assez grand nombre dorment” 1 Corinthiens 11. 30. La conclusion de l’apôtre n’est pas de s’abstenir de participer à la cène, mais de s’éprouver personnellement pour éviter d’être châtié par le Seigneur. Comment pouvons-nous arriver à rendre culte sans offrir un “feu étranger” ? L’apôtre Paul l’explique quand il écrit : “nous qui rendons culte par l’Esprit de Dieu”. L’Esprit nous conduit à “glorifier le Christ Jésus”, et à veiller pour ne pas laisser de place à une action charnellePhilippiens 3. 3, que ce soit la volonté d’innover sans raison spirituellement fondée, ou que ce soit la routine, les prières toutes faites, ou encore une liturgie tacite mais bien présente.
Quand mangeons-nous (spirituellement) le sacrifice pour le péché ? C’est quand nous comprenons quelque peu la valeur du sacrifice de Christ à la croix. Il est mort pour moi et je m’en nourris dans la conscience du prix payé pour ma réconciliation avec DieuRomains 5. 8 ; 1 Corinthiens 15. 3. Brûler le sacrifice pour le péché est un acte qui symbolise de façon plus générale le jugement de Dieu contre le péché et dans lequel le croyant est moins directement impliqué.
Nous sommes invités à manger le sacrifice pour le péché individuellement et collectivement (en assemblée) à l’occasion de la faute d’un membre du corps de ChristDaniel 9. 5 ; Esdras 9. 6, 7 ; Néhémie 9. 33-35. Par cet acte spirituel (manger le sacrifice), nous nous identifions avec la faute dans l’humiliation. C’est la seule attitude convenable dans laquelle la discipline de l’assemblée peut s’exercer1 Corinthiens 5. 2, 7.
Nadab et Abihu sont mentionnés ensemble à quatre reprises :