Ce quatrième poème commence par une défaillance de la bien-aimée plus sérieuse que les deux épisodes précédents (2. 10-14 ; 3. 1, 2). À la voix de son bien-aimé, sa conscience est réveillée ; elle se lève, mais trop tard et s’élance dans une recherche angoissée et douloureuse. Sa rencontre avec les jeunes filles compréhensives de Jérusalem est salutaire : elle les écoute, puis leur brosse un tableau de celui qu’elle a perdu, dans un langage riche et expressif. Suivent les retrouvailles avec le bien-aimé qui, à son tour, exalte le charme de sa fiancée.
Cela peut venir très vite ; pensons à l’abandon du premier amour d’ÉphèseApocalypse 2. 4 ! N’est-ce pas aussi l’histoire de plus d’un croyant ? On suivait avec intérêt toutes les réunions d’assemblée et on s’en allait comblé ; puis de petits heurts ont blessé, on a cru que l’attitude des autres changeait, et tout a basculé ; l’amour s’est refroidi, on s’en est allé sans prendre conscience que l’essentiel du changement était peut-être dans son propre cœur. On se cristallise alors sur des circonstances secondes, sans reconnaître que l’âme a perdu la jouissance de son Seigneur. Heureusement, Lui ne change pas, ni dans ses compassions, ni dans son amour. La suite de notre lecture va l’illustrer.
Survient le bien-aimé : pas le souverain dans son palais (1. 12) ni le roi couronné (3. 11) ou dans son jardin (5. 1), mais un roi laissé seul dehors, dans la nuit, à l’image de Jésus dans l’évangileJean 7. 53 ; 8. 1. Voyageur fatigué, il cherche un abri, heurte à une porte fermée de l’intérieur comme à LaodicéeApocalypse 3. 20 ; il donne encore à sa bien-aimée quatre titres de tendresse dont celui-là : “ma parfaite” ! Qui l’aurait dit dans de telles circonstances ?
À mots couverts, il évoque le froid, la rosée, qu’il lui a fallu affronter pour retrouver la fiancée. Nous aimons voir dans le bien-aimé quelques vertus du bon berger cherchant sa brebis “jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée” Luc 15. 4.
Pourquoi cette attitude de la fiancée ? parce que son cœur n’est plus “le jardin” de son bien-aimé comme hier, mais la triste chambre du repli sur soi d’aujourd’hui.
Dans l’évangile, les invités du grand souper de la grâce présentent les mêmes excuses : l’invitation vient trop tôt ; elle vient ensuite au mauvais moment ; on viendra bien au grand souper, mais un peu plus tard. Plus tard ? Erreur, car le cœur sera pris ailleursLuc 14. 16-20. C’est très grave dans cette parabole, car “la moisson est passée, l’été est fini, et nous ne sommes pas sauvés”, comme le dit le prophèteJérémie 8. 20.
Pour un croyant, perdre une relation d’intimité avec le Seigneur peut conduire à une défaillance humiliante : voyez Pierre, se chauffant à quelques pas de son Maître et le reniant trois foisLuc 22. 55-61 ; voyez aussi les deux disciples d’Emmaüs, ou encore ThomasLuc 24. 13-15 ; Jean 20. 24-29 ; comme on devient vite lâche, amer ou incrédule quand on a perdu Jésus ! Mais, comme le bien-aimé du Cantique des cantiques, ce Maître merveilleux vient susciter chez les siens, par un seul geste, un sursaut d’amour et de foi : un regard sur Pierre, et voilà des larmes amères et la confession qui suivra ; les mains qui rompent le pain, et les deux disciples découvrent les marques des blessures et l’amour de la croix ; le côté blessé offert à la main qui veut toucher avant de croire, et l’incrédulité est vaincue, comme autrefois la main du bien-aimé avait cherché la poignée intérieure de la porte, et les entrailles de la jeune fille s’en étaient émues.
Salutaire étape pour la fiancée, mais que le chemin sera long jusqu’à la pleine restauration et au retour de la communion !
Sérieuse leçon pour chacun de nous. Ne laissons pas Jésus “passer plus loin” quand il frappe à la porte de notre cœur qui s’est fermé. Ne disons pas : « Seigneur nous t’aimons toujours », si nous ne sommes pas prêts à tout laisser pour lui quand il appelle.