La bien-aimée est retournée chez elle et s’y est enfermée comme dans une retraite hivernale. Deux événements successifs vont alors se passer :
S’agit-il seulement de songes, comme l’ont suggéré quelques commentateurs ? Nous ne le pensons pas. Voyons là plutôt la traduction d’expériences vécues dans un moment de refroidissement de l’amour. C’est plus conforme à l’esprit de ce livre et à la vision prophétique du retour du Messie vers son peuple Israël après une longue période de relations interrompues.
La bien-aimée s’était repliée frileusement chez elle ; son amour s’était endormi. La communion peut quelquefois se perdre en un moment et ne se retrouver qu’au prix de profonds exercices. Ici, grâce à l’intervention du bien-aimé, tout va changer très vite : une voix lointaine, bien connue, une course bondissante qu’aucun obstacle n’arrête, un beau visage derrière le treillis de la fenêtre : il est là, avec d’étonnantes paroles : l’hiver – qui avait paralysé la jeune fille – est passé ; dehors c’est le printemps avec ses senteurs, ses chants, ses fruits qui ont mûri pendant l’hiver. Et pourtant, aux deux “Lève-toi, et viens”, la bien-aimée ne répond pas. Alors la voix se fait plus tendre, plus pressante : “ma colombe qui te tiens dans les fentes du rocher… montre-moi ton visage, fais-moi entendre ta voix”. Pourquoi la fiancée se comporte-t-elle comme l’oiseau apeuré, blotti dans une retraite inaccessible à celui qui pourrait le menacer ? Quand elle répondra, il sera trop tard, le bien-aimé sera parti.
Qui n’évoquerait pas, à la lecture de cette scène, le message du Seigneur, au jour de sa résurrection, à Marie de Magdala éplorée, son appel au cœur des disciples d’Emmaüs découragés et assaillis par le doute, sa présentation aux onze disciples qui, peu avant, étaient dans le deuil et pleuraientMarc 16. 10-14 ; personne n’avait donc encore vu que toutes choses étaient désormais faites nouvelles ?
Pensons aussi à ce qu’évoquera pour le résidu de Juda persécuté, caché au désert, dans les rochers et les lieux escarpés, la voix de son Messie, accourant à son secours pour lui annoncer la fin de son épreuve et l’imminence du règne de paix.
Une même expérience n’est pas rare dans une vie chrétienne : l’épreuve peut conduire au repli sur soi et au découragement. On garde bien l’assurance de son salut (la valeur de l’œuvre de Christ symbolisée ici par la fente du rocherExode 33. 22), on s’y abrite encore, mais la sécurité est sans joie ni communion. Quel miracle quand la voix du Seigneur vient réveiller les affections et tout changer en un moment !
Que sont les petits renards prédateurs ? Peut-être ces petits riens de la vie – occupation de soi, soucis, manque de vigilance – et “les petits renards” grappillent les prémices d’une récolte prometteuse, “nos vignes en fleurs” ; si la fleur disparaît, le fruit, symbole de joie, ne sera pas. “Seigneur, ne te soucies-tu pas de ce que ma sœur me laisse toute seule pour servir ?” Luc 10. 40 s’écrie Marthe, dans l’atmosphère paisible de Béthanie ; elle perd, dès lors, tout le bénéfice d’une bonne œuvre envers le Maître. Prenons garde aux petits renards ! Ici, le bien-aimé semble solliciter ceux qui pourraient l’aider à réveiller un élan d’amour brisé chez celle qu’il aime : “Prenez-nous…”
Par expérience, nous savons qu’il faut du temps pour accepter que nous aimons le Seigneur parce que lui nous a aimés le premier1 Jean 4. 19 et que “nous ne sommes plus à nous-mêmes car nous avons été achetés à prix” 1 Corinthiens 6. 19.
Vont suivre des nuits agitées, puis une recherche laborieuse ; c’est l’exercice pénible de celle qui ne trouve plus “celui qu’aime son âme” (répété à chaque verset : versets 1, 2, 3, 4) parce que sa recherche est mal conduite en trois points :
Désormais elle ne lâche plus celui qui lui a tant manqué. Elle l’a saisi pour l’amener dans la maison de sa mère. Elle veut sans doute assurer une postérité à sa maison1. Sa démarche a l’énergie de celle de Ruth auprès de Boaz pour construire son avenir et celui de NaomiRuth 3 ; 4.