A partir du verset 11 Paul décrit sa troisième rencontre avec l’apôtre Pierre, qu’il nomme ici par son nom araméen, CéphasJean 1. 42. Leur première rencontre est mentionnée au verset 18 du chapitre 1, la seconde, aux versets 1 à 10 du chapitre 2. Mais cette troisième entrevue ne semble pas s’être aussi bien déroulée que les précédentes.
La loi interdisait au peuple d’Israël de se nourrir de certains aliments et en prescrivait d’autres bien précisLévitique 11. Les non-Juifs, eux, étaient libres de manger ce que bon leur semblait. Cependant, la plupart des Juifs chrétiens à Jérusalem observaient encore les commandements de la loiActes 21. 20. Dans sa grande patience, Dieu supportait cela. A Antioche, où l’assemblée était constituée principalement de croyants non-juifs, Pierre mangeait avec ces frères en toute liberté. Cependant, lorsque arrivèrent d’auprès de Jacques à Jérusalem ceux avec lesquels Pierre vivait habituellement, l’influence juive sous-jacente s’avéra si forte qu’il n’osa plus témoigner de cette liberté, sachant que les chrétiens de Jérusalem la condamneraientActes 11. 3 ; 21. 20. Il ne voulut donc plus manger à la table des croyants non-juifs.
Aussi insignifiant que ce détail puisse nous paraître, il est de toute importance aux yeux de Dieu et de son serviteur Paul. Ce dernier constatait que la conduite de Pierre mettait de côté la vérité de l’évangile. Or les conséquences de ses actes ne se limitaient pas à lui-même, beaucoup de croyants risquaient de l’imiter, à cause de la grande influence que lui donnait sa position de conducteur dans l’Assemblée. En contraste avec les Juifs venus de Jérusalem, qui sont appelés “ceux de la circoncision” au verset 12, “les autres Juifs” du verset 13 désignent probablement les chrétiens d’origine juive qui se trouvaient à Antioche. Ce sont eux qui ont imité la dissimulation de Pierre et entraîné Barnabas, cet homme plein du Saint Esprit et de foi. Quel triste tableau ! Par crainte du légalisme des frères de Jérusalem, Pierre avait agi d’après une conviction qui n’était pas la sienne. De fait, en refusant de manger avec ses frères en Christ, il niait en pratique l’unité des enfants de Dieu, réalisée par l’œuvre de Christ et la venue du Saint EspritJean 11. 52 ; 1 Corinthiens 12. 12, 13 ; Éphésiens 2. 14, et il entraînait d’autres croyants à faire de même.
Comme il a dû être difficile pour Paul de reprendre son frère en public, “devant tous” ! Paul dévoile l’inconséquence de Pierre, qui voulait contraindre les non-Juifs à vivre suivant les ordonnances juives concernant la nourriture. En tant que chrétien, Pierre pouvait désormais vivre sans suivre la loi, comme les croyants non-juifs. Mais par crainte des Juifs, il n’a pas marché selon la vérité de l’évangile, et beaucoup d’autres avec lui. C’est pourquoi Paul lui rappelle au verset 15 qu’ils sont tous les deux Juifs “de nature”, c’est-à-dire par leur naissance et non par choix personnel. Ils se distinguent ainsi des “pécheurs d’entre les nations” 1.
Pierre et Paul savaient que l’homme, Juif ou non, n’est pas justifié par des œuvres de loi, mais uniquement par la foi en Jésus Christ. Dans les chapitres 3 à 5 de l’épître aux Romains, on découvre la réponse divine à la grande question que même Job avait posée autrefois : “comment l’homme sera-t-il juste devant Dieu ?” Job 9. 2 ; 25. 4 Paul aborde également ce sujet essentiel dans le verset 16. La réponse est claire : “pas autrement que par la foi en Jésus Christ” ! Néanmoins, ce n’est pas la vie parfaite, pure et sans péché de Christ qui nous justifie devant Dieu, mais sa mort et sa résurrection. Celui qui met sa confiance en lui et en son œuvre est justifiéRomains 3. 26 ; 4. 25. Et cette justification par la foi nous rend participants de la justice de Dieu en Christ2 Corinthiens 5. 21. Quelle merveille !
C’est ce que Paul rappelle à son frère (et à nous par la même occasion) dans la suite du verset 16 : l’emploi de l’expression “par la foi” indique le moyen par lequel le pécheur est justifié, tandis que “sur le principe de la foi” désigne le fondement de cette justification2. Cet enseignement, d’une importance primordiale pour tout chrétien, n’était pas destiné à Pierre uniquement, mais aussi aux Galates, qui étaient en grand danger dans ce domaine.
Il est aussi réconfortant et instructif de constater que Pierre a accepté cette remontrance sans acrimonie, et qu’il parle plus tard de Paul comme “notre bien-aimé frère Paul” en reconnaissant “la sagesse qui lui a été donnée” 2 Pierre 3. 15.