La grâce est à l’affût d’une circonstance pour se manifester. Naomi, arrivée à la dernière extrémité, entend dire que l’Éternel a redonné du pain à son peuple. Sa première pensée est d’aller là où le pain se trouve. Mais n’y a-t-il pas aussi chez tout croyant qui s’est éloigné une nostalgie du peuple de Dieu, même si l’amertume reste grande ? Naomi fait le point de la situation et décide, dans sa douleur et malgré son amertume, de quitter les champs de Moab pour le pays de Juda. Orpa et Ruth, ses deux belles-filles qui s’étaient attachées à elle, la suivent. Les noms de ces deux femmes sont instructifs : Orpa signifie cou, nuque, c’est-à-dire opiniâtreté ; Ruth, amie, amitié. Naomi laissait ses morts derrière elle ; Orpa et Ruth quittaient tout : leurs dieux, leur famille et leur pays ; l’une par amitié pour Naomi, l’autre par amour pour elle et pour son peuple.
Chemin faisant, Naomi qui connaît l’Éternel mais n’est pas encore restaurée dans son âme, décourage ses belles-filles de la suivre. Naomi ne pense qu’à l’avenir matériel et affectif de Ruth et d’Orpa. L’accompagner jusqu’en Juda signifie veuvage, incertitude et pauvreté. Pour elle, le mariage était plus important que la connaissance du vrai Dieu d’Israël et la nourriture abondante plus nécessaire que la satisfaction spirituelle.
Selon la loi mosaïque du
Orpa est l’exemple de quelqu’un qui peut s’attacher profondément à une personne appartenant au peuple de Dieu mais qui ne veut pas s’attacher à Dieu. Elle aimait Naomi, mais pas le Dieu de Naomi. Elle lui tourne le dos. Pour Orpa la sécurité du mariage était plus importante que le repos de son âme. Elle a marché un certain temps en compagnie d’une croyante, a pris le même chemin dans la bonne direction mais a finalement abandonné, comme bien d’autres le feront à sa suiteJean 6. 66 ; 1 Timothée 1. 19 ; Hébreux 6. 4-6 ; 2 Pierre 2. 21. Orpa, l’opiniâtre, démontre ce que sont les sentiments purement humains. Elle s’en va en pleurant, pareille au jeune homme qui ne voulait pas se séparer de ses biens pour suivre JésusMatthieu 19. 22. Quant à Ruth, cette jeune femme illustre d’une manière remarquable ce qu’est la puissance de la grâce.
La foi a creusé un abîme entre Ruth et Orpa, deux femmes pourtant semblables à maints égards. Orpa recule devant une situation qui lui paraît impossible. Tout autre est le comportement de Ruth. Mais pourquoi et comment a-t-elle pris sa décision ? Qu’a-t-elle vu dans les circonstances ou dans la famille d’Élimélec qui puisse l’inciter à quitter son pays et sa culture pour s’établir en Israël, un peuple dont Moab est l’ennemi ? La seule réponse possible est que Dieu a travaillé dans son cœur en pure grâceExode 33. 19 ; Romains 9. 15 ; Tite 3. 5. Ruth accroît ses forces dans sa foi naissante en dépit des paroles de sa belle-mère qui lui cite Orpa en exemple et l’encourage à retourner vers son peuple et vers ses dieux. Ce n’est pas sa confiance en Naomi qui sauvera Ruth mais sa foi en l’Éternel, le Dieu d’Israël (verset 17). Non seulement Ruth fait preuve de bonté envers Naomi, mais elle se montre surtout résolue : “Où tu iras, j’irai, et où tu demeureras, je demeurerai : ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu” (verset 16). Pour Ruth, suivre Naomi pouvait signifier rester veuve et sans enfant. Mais que deviennent les impossibilités de la vie devant les nécessités de la foi ?
Naomi cesse enfin de parler à Ruth et les deux veuves arrivent à Bethléem. Après une absence de plus de dix ans (verset 4), Naomi est méconnaissable. Elle qui s’appelait autrefois “mes délices” se nomme maintenant “Mara” (amertume). Bien que consciente que c’est l’Éternel qui la ramène, elle rend le Tout-Puissant responsable de tous ses malheurs (verset 21). Il est son ennemi. Elle ne voit dans ses circonstances qu’une main inexorable dont la puissance est irrésistible. Naomi ne songe qu’au passé, tout en reconnaissant implicitement qu’elle n’avait eu aucune raison de quitter le pays car, dit-elle, elle s’en était allée comblée. Combien faut-il d’épreuves amères pour mesurer les pertes ?
Naomi revient au point de départ, à Bethléem, la maison du pain. Ce n’est que le “commencement” de la moisson des