Le dénouement approche. Depuis des mois, chacun attendait ce treizième jour du douzième mois (février/mars) pour savoir qui, des Juifs ou de leurs adversaires, allait triompher. L’avantage du nombre laissait présager la victoire des ennemis (verset 1 a). “Mais la chose fut changée”. L’action souveraine et providentielle de Dieu bouleverse, une fois encore, les calculs humains.
Les adversaires des Juifs sont effrayés à la pensée de lutter contre un peuple que Dieu défend (verset 2 b). Les responsables politiques du pays, opportunistes, aident les Juifs, qui bénéficient ainsi des attentions du pouvoir civil (verset 3).
La grandeur de Mardochée, évoquée quatre fois dans les deux derniers chapitres (chapitre 9. 4a, 4b ; chapitre 10. 2, 3), renforce le sentiment plus ou moins exprimé que le vent a tourné pour les adversaires du peuple.
Après avoir développé comment les circonstances se trouvaient être favorables aux Juifs (versets 1-4), le narrateur relate les combats, car la haine dans le cœur des ennemis n’a pas été changée. Bien des Juifs d’ailleurs n’imaginaient pas, jusqu’à ce jour décisif, à quel point ils pouvaient être haïs. Cette crise révélait dans quel camp chacun se rangeait : celui de Mardochée ou de HamanExode 32. 26.
Des limites précises avaient été données pour que cette sanction soit l’expression d’un juste jugement et non l’occasion d’un génocide aveugle. Les Juifs ne devaient pas imiter Haman dans sa volonté de faire disparaître un peuple. Étaient visés “les ennemis”, “ceux qui les haïssaient” et les “hommes” (versets 5, 6). Les Juifs n’avaient pas le droit de s’en prendre à quiconque ne répondait pas à ces critères. D’ailleurs, l’expression “firent ce qu’ils voulurent” (verset 5b) ne suggère pas une liberté totale dans l’exécution du jugement, mais plutôt le fait que les autorités politiques laissaient les Juifs exécuter leurs ennemis sans intervenir.
Le nombre de morts est élevé : 800 dans la ville de Suse, 75 000 dans l’empire1, et les dix fils de Haman (versets 6-10, 16). Ceux qui ont suivi Haman partagent son sort, image tragique du sort de ceux qui auront suivi Satan.
“Ils ne mirent pas la main sur le butin” (versets 10, 15, 16). Les Juifs refusent de prendre le butin qui leur revenait d’après l’édit de Mardochée (8. 11 b). Ils veulent prouver que le massacre n’est pas destiné à enrichir le peuple aux dépens de ses ennemis, mais qu’ils cherchent uniquement à protéger leur vie.
Le montant du butin aurait représenté une fortune considérable, bien supérieure à celle que Haman proposait au roi. Malgré leur pauvreté d’exilés, les Juifs sont moralement prêts à y renoncer avec joie, d’autant plus facilement que des objets d’idolâtrie, confisqués alors, auraient ainsi pénétré dans leurs maisons. Aujourd’hui évitons de nous glorifier d’une victoire que la grâce seule nous a permis de remporter ! Le résultat de ce choix est immédiat : “repos” (versets 16, 17, 18), “joie” (versets 17, 18), communion fraternelle (verset 19).
À la fin de la treizième journée, un rapport est adressé au roi qui paraît inquiet au sujet du déroulement de la journée. Cinq cents morts dans la citadelle de Suse parmi les partisans de Haman ! Que s’est-il passé ailleurs dans l’empire ? Les Juifs ont-ils été vainqueurs là aussi ? Rassuré, le roi interroge Esther qui n’hésite pas à demander un jour supplémentaire pour poursuivre les adversaires des Juifs dans la ville de Suse, où le complot avait été fomenté, et pour pendre les dix fils de Haman (verset 13).
La reine obéit à la parole de Dieu : “Ta main (celle du roi) trouvera tous tes ennemis… tu feras périr… leur semence d’entre les fils des hommes” Psaume 21. 9, 11.
La sévérité du jugement public est à la mesure de l’offense faite à Dieu et à son peuple. Les dix bois démontrent à tous que justice est faite. Le mal une fois jugé, le peuple s’assemble pour exprimer une joie à laquelle tous participent par l’envoi des présents.
Dans ce récit, Mardochée est très humble. Il ne s’attribue aucun mérite. Il aurait pu chercher une gloire personnelle. Non, il désire seulement que la mémoire de cette merveilleuse délivrance soit gardée dans le cœur du peuple.
Avant d’instituer la fête de « Purim », il en rappelle les fondements (versets 20-25). Les générations à venir seront appelées à se souvenir de ce jour où “la douleur avait été changée en joie” (verset 22) et où on pourrait dire que, pour les Juifs d’alors, la mort avait été engloutie en victoireÉsaïe 25. 8.
Le livre avait commencé avec une fête qui durait six mois environ, il s’achève avec une autre, célébrée pendant des siècles en reconnaissance à la grâce de Dieu, qui a triomphé des adversaires du peuple. Prophétiquement, ce récit conduit à l’aube du règne millénaire où le Messie assure à son peuple délivré “joie” et “repos”, après que les plans diaboliques de l’adversaire auront été définitivement anéantis.