L’heure de vérité a sonné. La demande d’Esther, retardée jusque-là, ne peut plus être différée. Sa prière d’intercession se résume en deux mots inséparables : “ma vie”, “mon peuple”. Assuérus doit apprendre que celle qui est appelée la “reine” pour la seconde fois (5. 3), est en danger de mort dans son propre royaume ! Son épouse, qui lui révèle son origine juive, est livrée à un autre, au même titre que le peuple dont elle fait partie.
Esther fait face à ce combat spirituel avec détermination et modestie : elle expose les faits dans leur brutale réalité (comp. versets 4 et 3. 13). Le dialogue se poursuit entre le roi et la reine, en présence d’un Haman muet et confondu.
Conscient d’avoir été lâchement trompé, le roi, blessé dans son orgueil, laisse entrevoir sa colère dans cette question : “Qui est-il et où est-il ?” Esther désigne clairement le coupable : Haman. Un des deux protagonistes doit disparaître : la reine ou Haman. Ce dernier comprend que son avenir est décidé (verset 6a), car la “fureur du roi est un messager de la mort” Proverbes 16. 14. En l’absence momentanée du roi, il cherche à obtenir la grâce royale auprès d’Esther (verset 7). En signe de prière instante il s’approche de la reine, probablement en lui saisissant les pieds1 Samuel 25. 24 ; 2 Rois 4. 27.
Dans sa colère, Assuérus interprète ce geste comme une tentative de séduction1 et prononce la condamnation à mort : Haman ne peut plus voir le visage du roi, ni celui des siens. Il est déjà “retranché” car c’est “la fin des méchants” Psaume 37. 38. “Le trouble qu’il avait préparé retombe sur sa tête, et sa violence descend] sur son crâne” Psaume 7. 17. Celui “qui creuse une tombe y tombera” Proverbes 26. 27.
Le gibet devient l’instrument de salut pour Esther et les Juifs, il apaise la colère du roi (verset 10).
La croix de Christ “apaise” la colère de Dieu, comme celle de Haman a apaisé la colère d’Assuérus. Mais la colère d’Assuérus n’a rien à voir avec celle de Dieu. Elle est motivée par son orgueil blessé, tandis que la colère de Dieu est une de ses perfections : sa haine contre le péché est l’expression de sa justiceRomains 3. 5, qui se traduit par l’exécution d’un jugement. La croix a été la manifestation publique de la justice de Dieu. Cette colère apaisée s’appelle la “propitiation”. La colère une fois déversée, la relation de l’homme avec Dieu change : désormais l’homme rencontre l’amour divin qui a aimé le pécheur et assuré la propitiation (c’est le sens de “envers tous” en Romains 3. 22). Pour les croyants, la mort de Christ met fin à la colère pour l’éternité, car il l’a portée à la croix (c’est le sens de “sur tous ceux qui croient”).
La croix est aussi la preuve que la malédiction divine pèse sur l’homme pécheur et qu’il ne peut rien faire pour “mériter” le salut. Dans l’épître aux Galates, l’apôtre Paul développe longuement ce sujet (chapitre 3 notamment). Il dénonce indirectement l’argument des faux docteurs judaïsants, selon lequel ceux qui étaient sous la condamnation étaient les Gentils, le peuple “sans loi” Romains 3. 22, 23. Nous étions “sans loi” par rapport à la loi de Dieu, c’est-à-dire incapables de l’accomplir, parce que personne, parmi les hommes, n’aimait Dieu1 Jean 3. 4. Cela est vrai de tous, y compris des descendants d’Abraham qui étaient circoncis. C’est vrai aujourd’hui de ceux qui sont baptisés sans avoir la foi. En conséquence, une des fonctions de la loi a été de condamner l’homme, alors qu’elle voulait lui donner un moyen de se justifier. Ce chemin conduit à une impasseGalates 3. 11 a.
À l’inverse, le choix de la foi ne repose pas sur l’homme mais sur Christ. Il a fait ce que nous ne pouvions faire pour nous-mêmes. La seule voie pour échapper à la malédiction se trouve en LuiGalates 3. 13. Il a pris sur lui la malédiction attachée à notre désobéissance à la loi.
D’après Deutéronome 21. 23, tout criminel exécuté par lapidation, sous le régime de la loi, était ensuite pendu au bois comme symbole du rejet divin. Cette pendaison était le signe public de la malédiction divine qui pesait sur un tel coupable. Le fait que les Romains procédaient par crucifixion n’y changeait rien : être cloué sur une croix équivalait à être pendu à un arbre. Ainsi, Christ crucifié décrit comme “pendu au bois”, est reconnu comme étant mort sous la malédiction divineActes 5. 30 ; 1 Pierre 2. 24. Il n’est donc pas étonnant que les Juifs n’aient pu admettre que Jésus fût le Messie. Comment l’Oint de Dieu pouvait-il être pendu à un bois au lieu de recevoir le trône ? Le fait que Jésus ait été pendu au bois demeure, pour les Juifs, l’obstacle majeur à la foi, jusqu’au moment où ils comprendront qu’il a porté cette malédiction pour euxZacharie 12. 10.