Le livre d’Esther fait partie de l’ensemble des livres inspirés appelés les “meguilloth” ou les cinq rouleaux.
Il a été inclus là après quelques hésitations : l’absence du nom de Dieu pouvait faire douter de son authenticité1. Pourtant, il prend naturellement place parmi les livres historiques de la captivité et du retour de la captivité aux côtés de ceux d’Esdras et de Néhémie2. Dans ces livres, Dieu intervient en faveur des Juifs rentrés à Jérusalem ou restés en captivité dans l’empire perse, mais son intervention reste cachée.
Qui a rédigé ce livre ? Rien dans le texte biblique ne permet de répondre. L’auteur, familier des coutumes perses (2. 23 ; 6. 1 ; 9. 32 ; 10. 2), a écrit son texte quand “tous les actes de la puissance et de la force” de Xerxès ont été consignés dans les annales royales (10. 2), c’est-à-dire probablement vers le milieu du 5e siècle avant Jésus Christ.
Israël s’est vu retirer le gouvernement de la terre que Dieu lui avait confiéJosué 3. 11. Le “temps des nations” Luc 21. 24 a commencé. Déjà, Nebucadnetsar a déporté à Babylone, par contingents successifs, la plupart des habitants de Jérusalem et de Juda2 Chroniques 36. À cet empire babylonien succède l’empire médo-perse. Placés sous l’autorité du roi de Perse, les Juifs déportés bénéficient de l’édit de Cyrus le Grand pour revenir à Jérusalem afin de rebâtir la maison de DieuEsdras 6. 14. En fait, quelque 50 000 captifs seulement font le voyage. Les uns restent en exil par indifférence à l’appel de Dieu ou par intérêt ; d’autres, comme Daniel, ne peuvent partir, sans doute en raison des fonctions officielles qu’ils exercent.
L’histoire d’Esther se déroule à Suse, une des capitales de l’empire perse sous le règne d’Assuérus, connu dans l’histoire sous le nom de Xerxès 1er, successeur et fils de Darius 1er3. C’est l’époque où la dynastie perse montre sa puissance par des conquêtes. Cependant, son élan est brisé par les Grecs lors des défaites perses de Salamine (480 avant J.-C.), Platées et Mycale (été 479 avant J.-C.).
Le fait que Dieu intervienne de façon cachée dans ce livre a toujours intrigué. En effet, tout ce qui, dans la relation des Juifs avec Dieu, pourrait constituer une offense au nationalisme religieux perse n’est pas évoqué dans ce livre. Pourtant, cette prudence n’est qu’apparente. Il ne s’agit pas pour les Juifs de cacher leurs origines, le livre démontre le contraire. Mais la relation officielle de Dieu avec son peuple a disparu : il n’y a ni sacrificature, ni prophète, ni culte dans ce livre. Jérusalem, vers laquelle Daniel tournait ses regards, n’est même pas mentionnée. Sont évoquées des fêtes perses… pas celles de l’Éternel !
Si Dieu est derrière la scène, sa souveraineté n’en est que plus réelle. Dieu n’a pas abandonné aux souverains des nations le monde qu’il a créé et encore moins le peuple qu’il a choisiProverbes 21. 1. Dieu exerce son pouvoir dans tous les domaines – le sommeil d’un roi, par exemple – (6. 1) et sur tous les hommes. Personne ne peut arrêter sa main. Téresh, l’épouse d’Haman, redoute cette souveraineté : “Si Mardochée, devant lequel tu as commencé de tomber est de la race des Juifs, tu ne l’emporteras pas sur lui, mais tu tomberas certainement” (6. 13).
La position d’influence d’Esther au milieu d’une cour païenne montre que le peuple juif reste un peuple à part malgré ses infidélités répétées. Le miracle de sa survie s’explique par la perspective de la naissance du Messie, un jour, à Bethléem. À ce titre, le livre d’Esther fait partie du plan divin de la rédemption et Mardochée est une belle figure de Christ.
Toutefois, la souveraineté de Dieu n’amoindrit pas la responsabilité humaine. Au contraire, elle invite l’homme à accomplir la volonté divine. Placée auprès d’un souverain versatile, Esther contribue au salut du peuple de Dieu. Elle s’y engage avec détermination et foi : “J’entrerai vers le roi, ce qui n’est pas selon la loi, et si je péris, je périrai” (4. 16, 17).
La fidélité de ces Juifs exilés se perpétue : en Actes 2, nous retrouvons des Juifs de Perse et de la région de Suse (Élamites) venus célébrer la Pentecôte à Jérusalem. Avec d’autres, ils vont constituer le premier noyau de l’Église.
Ainsi, la providence de Dieu est toujours orientée pour donner aux événements un sens et un butRomains 80 28. Aujourd’hui, le livre d’Esther garde un sens très fort : d’un côté Dieu veut sauver son peuple terrestre à travers les génocides qui jalonnent son histoire. De l’autre, pour garder son identité, le peuple de Dieu doit passer par la souffrance.
Deux conceptions du monde et de la destinée humaine s’affrontent dans ce livre. L’une, représentée par Haman, est athée, antireligieuse et superstitieuse. Convaincu que la “chance” lui est favorable, Haman pense détruire le peuple de Dieu. Son imagination à élaborer des plans habiles l’amène à croire qu’il contrôle les événements (3. 8-10 ; 6. 6b). Cette façon de faire est appelée : vivre dans la “chair”. L’autre conception, dont Mardochée est un exemple, est animée par l’Esprit. Inévitablement la chair entre en conflit avec l’Esprit.
Deux livres dans l’A.T. portent le prénom d’une femme : Ruth et Esther. Dans le premier, une païenne est mise en relation avec Dieu et introduite dans son peuple. Dans le second, nous voyons comment Dieu peut exalter aux yeux des nations un Juif méprisé. Dans ces deux livres, Dieu intervient en faveur de ceux qu’il choisit, de manière cachée.
Le livre d’Esther évoque, avec d’autres livres, l’histoire décadente du peuple juif après la déportation. Le livre de l’Exode, lui, commence l’histoire nationale d’Israël. Dans l’un et l’autre, le peuple est menacé dans son existence même et les projets de destruction que l’ennemi a inventés sont réduits à néant. Chacun des adversaires du peuple doit constater la souveraineté de Dieu et chacun récolte ce qu’il a semé au moment où le succès lui semble acquis.
Les traits communs avec les livres d’Esdras et de Néhémie sont également nombreux :
Toutefois, ce qui manque dans le livre d’Esther est présent dans les deux autres :
Enfin, si Esdras et Néhémie s’intéressent au “
Dans ce livre, Dieu intervient en dehors de toute relation publique pour protéger les siens d’une destruction terrible qu’ils subissent injustement – même si leur déportation en Perse est consécutive à leur désobéissance. C’est une image de l’épreuve qui attend le “résidu” ou “reste”, lors de la grande tribulation quand ses ennemis voudront le faire disparaître à jamais. Sauvé par l’action providentielle de Dieu, par grâce, le peuple élu verra un jugement définitif s’abattre sur ses adversaires et le Messie triompher. Ainsi, quand Mardochée, figure de Christ, paraît, “il y eut pour les Juifs lumière et joie, et allégresse et honneur” (8. 16).
Toutefois, les hébraïsants relèvent les quatre lettres du nom divin sous forme d’acrostiches lues à l’endroit ou à l’envers selon les cas : 1. 20 ; 5. 4 ; 5. 13 ; 7. 7 et sous une autre forme : 7. 5.
Par ailleurs, l’historicité du livre d’Esther a été souvent mise en doute. Présenter les arguments des uns ou des autres ne relève pas de l’objectif de “Sondez les Écritures”. Toutefois, aucun des arguments avancés contre l’historicité du livre ne peut être retenu de bonne foi. Tout le livre témoigne des soins providentiels de Dieu pour son peuple exilé. La délivrance surnaturelle dont il est l’objet est perpétuée aujourd’hui encore par la fête des Purim instaurée à cette époque par les Juifs de Perse.