Quelque temps plus tard – certains affirment après l’épisode des Guerres Médiques – le roi se retrouve seul et pense à la répudiation de Vasthi. Impossible de réparer le mal commis, la loi ne le permet pas (verset 1). L’histoire s’enchaîne. Elle met en scène deux des principaux acteurs du livre.
L’un s’appelle Mardochée. C’est un Juif exilé, Benjaminite, descendant de Kis, père de Saül1 Samuel 9. 1, 2 ; 14. 51 ; 1 Chroniques 8. 33. Sa famille faisait vraisemblablement partie de la noblesse royale emmenée à Babylone par Nebucanedsar en 597 av. J.-C. 2 Rois 24. 12. Mardochée est le nom païen donné à ce fils d’Israël.
L’autre se nomme Hadassa, ce qui, en hébreu, veut dire “myrte”. Esther est dérivé du babylonien (la déesse Ishtar) et signifie “étoile”. Le myrte est une plante à feuilles toujours vertes et à fleurs étoilées. Il symbolise la renaissance spirituelle du peuple, qui suit les jugementsÉsaïe 55. 13 ; Zacharie 1. 8. Accueillie par Mardochée son parent, Esther se soumet humblement à ce père adoptif (verset 10). Elle ne révèle ni sa nationalité juive, ni sa parenté avec Mardochée.
Sa beauté exceptionnelle n’échappe pas à Hégaï qui recrute Esther pour faire partie du harem d’Assuérus (verset 3). Pour elle, cette place est humiliante. Elle lui rappelle le jugement collectif qui pèse sur sa nation à cause des infidélités répétées du peuple juif : “les rois que tu as établis sur nous à cause de nos péchés… dominent sur nos corps” Néhémie 9. 37. Malgré tout, cet asservissement à un tyran violent ne l’empêche pas, précisément en raison de sa dignité de caractère, de devenir un instrument de bénédiction pour les Juifs. Elle trouve grâce auprès de Hégaï (verset 15), ce qui peut être perçu comme une approbation divineDaniel 1. 9. Le peuple élu qu’elle représente garde toujours aux yeux de Dieu sa valeurRomains 9. 28. Dieu ne peut permettre la disparition de son peuple, même s’il est dispersé sous le jugement.
La lecture des longs préparatifs du mariage dévoile le caractère inhumain de la polygamie.
La perspicacité de Hégaï, qui remarque Esther parmi le nombre élevé des jeunes filles (versets 2, 3), l’emploi prolongé des parfums et des onguents (verset 12) n’expliquent pas le choix d’Assuérus, qui la distingue des autres prétendantes et la choisit pour femme. Derrière la scène, Dieu, dans sa souveraineté, accomplit son dessein1.
Ce mariage est l’occasion de nouvelles réjouissances et d’une réduction ou d’une remise des corvées (verset 18) 2.
Dans les jours qui suivent le mariage, deux serviteurs gardiens de la porte des appartements royaux ourdissent un complot (verset 21 a). Mais c’était compter sans la vigilance de Mardochée qui se tient à la porte du roi (verset 21 b). Dans l’Antiquité, au Proche Orient, la “porte du roi” est l’endroit où on filtre les entrées. Le représentant du roi reçoit là les visites ordinaires et expédie les affaires courantes. Ici, outre ces activités, la justice de “première instance” (pour établir un parallèle avec aujourd’hui) est rendue par un préposé. On comprend que cet endroit très animé – un porche plus ou moins vaste le plus souvent – soit un lieu de rencontre idéal (3. 2). C’est aussi pour Mardochée, dont la parenté avec Esther n’est pas encore dévoilée, un lieu d’observation incomparable. Faut-il en conclure que Mardochée a obtenu une responsabilité officielle un peu comme celle de Daniel ou de Néhémie ? Daniel 2. 49
Le fait que Mardochée se trouve là, cinq fois dans le livre d’Esther, porte à croire qu’il devait veiller aux intérêts du roi. D’ailleurs, Haman constate que cette fonction accorde à Mardochée un avantage important (5. 13).
Quoi qu’il en soit, Mardochée a connaissance du complot. Il en informe Esther, qui, fidèlement, en fait part à Assuérus (verset 22 b). Cet épisode révèle les qualités de Mardochée, homme de foi. Soumis à la parole de Dieu qui l’invitait à rechercher le bien de la ville où il serait mené en captivitéJérémie 29. 7, Mardochée fait preuve d’une loyauté totale envers l’autorité établie.
Aujourd’hui, le chrétien placé dans le monde contribue par son travail, par sa soumission à l’autorité établie, par le bien qu’il peut faire à tous, à la marche plus harmonieuse d’une société dans laquelle il se sent étranger, mais dont il ne peut et ne veut s’abstraire. Mardochée en est aussi un exemple.
Le jugement exécuté, Assuérus oublie son sauveur. Cependant, les annales du roi en portent le témoignage (verset 23). Mardochée ne réclame ni récompense ni honneur. Le sentiment que Dieu veille et qu’il n’est pas injuste pour oublier son acte de loyauté, lui suffitHébreux 6. 10.
Mardochée, issu de Benjamin, “fils de ma droite”, est une figure du Seigneur Jésus, l’homme qui siège à la droite de Dieu. Toutes choses lui sont assujetties et aucun ennemi ne pourra lui résister. Mais auparavant, il doit passer par la souffrance.
Esther représente le résidu fidèle d’Israël. Après que l’épouse païenne Vasthi (la chrétienté professante) a été mise de côté, l’épouse juive reconnue publiquement, sera élevée à la dignité de reine des nations et couronnée.