Un évangéliste racontait qu’il avait observé dans son jardin un étrange manège de chenilles. Elles escaladaient péniblement des tuteurs placés dans la terre. Arrivées au sommet, elles dressaient la tête à droite, à gauche, cherchant sans doute une feuille tendre à manger. Puis apparemment déçues, elles redescendaient lentement vers la terre. Dans ce monde, expliquait l’évangéliste, tant de piquets – les plaisirs, l’argent, le pouvoir, etc. – semblent promettre des merveilles à qui en atteindra le sommet. Eh bien, il faut toujours redescendre. Tel est le sens du message de l’Ecclésiaste dans ses deux premiers chapitres.
L’Ecclésiaste se présente comme le “fils de David, roi sur Israël à Jérusalem”. C’était sans doute Salomon, mais le texte ne le dit pas explicitement. En tout cas, l’auteur se situe dans l’orientation des écrits de Salomon à qui Dieu avait donné sagesse, richesse et gloire1 Rois 3. 12, 13. Il se nomme le prédicateur qui rassemble1 autour de lui tous ceux qui veulent écouter.
Dès les premiers mots, il commence par un constat tragique qu’il va développer dans la suite du livre : “Vanité des vanités. Tout est vanité”. Ce mot “vanité” (“hevel” en hébreu) voulait dire à l’origine « souffle », « vapeur », « buée », « fumée », puis a pris le sens plus abstrait de « éphémère », « illusion », « sans perspective ». Éphémère, comme la rosée qui s’efface devant le soleil. Illusion, comme le mirage que l’on poursuit, le masque que l’on montre aux autres et aussi à soi-même. De là le sens de vanité, de vide. Sans perspective, condamné à l’échec, sans espoir de réussite, sans valeur durable. Sous le soleil, nous dit le Prédicateur, tout, sans exception, est vanité. Il n’y a pas d’illusions à se faire, pas de frontière à établir.
Il en résulte la question centrale du verset 3 : Quel profit, quel avantage réel et durable a l’homme de tout son labeur dont il se tourmente sous le soleil2 ? Question percutante qui rappelle la parole du Seigneur Jésus : – “Que profitera-t-il à un homme s’il gagne le monde entier, et qu’il fasse la perte de son âme ?” Marc 8. 36 Cette question va au plus profond de nos vies et de nos choix. Elle nous oblige à reconsidérer nos motivations pour écarter ce qui n’est pas en harmonie avec la vocation d’homme que Dieu nous propose.
Pour répondre à la question du verset 3, le Prédicateur considère d’abord la nature. Et que voit-il ? L’homme, seul être qui réfléchit, passe, génération après génération, au milieu d’une nature qui subsiste, immuable, comme indifférente à son travail et à son questionnement. L’homme travaille, se fatigue, puis passe, mais pas un progrès n’est accompli.
Quel contraste entre cette vision des choses et celle du chrétien ! Il contemple dans la création la gloire de Dieu et sait que toutes choses travaillent à son conseil d’amour. Il vit à la lumière des interventions passées de DieuDeutéronome 4. 15, 32, 33, dans la certitude et l’espérance de son action présente et future. Une action qui se caractérise précisément par les choses nouvelles2 Corinthiens 5. 17 ; Apocalypse 21. 5.
Le Prédicateur a exploré avec beaucoup de soin tout ce qui se fait sous les cieux. Il arrive à une première conclusion surprenante : Dieu donne aux hommes un travail ingrat pour qu’ils s’y fatiguent. Nous prenons ainsi conscience de nos limites pour autant que nous soyons lucides ! Cette première mention de Dieu nous conduit à la réflexion et, nous le verrons plus loin, à une sagesse salutaire.
Deuxième conclusion, “ce qui est tordu ne peut être redressé, ce qui manque ne peut être compté” (verset 15). Tous nos efforts ne peuvent enrayer le péché ni ses conséquences. Ils ne peuvent pas non plus combler les lacunes dues au péché, ni remplir le vide de nos cœurs.
Souvent dans sa jeunesse, l’homme a soif de connaître le monde. Il s’intéresse à la science et à la technique, il veut cerner le comment des choses. Puis avec l’âge, il est plus préoccupé par le pourquoi, la signification de la vie. La sagesse devient son champ d’étude. De même le Prédicateur a d’abord “appliqué son cœur” à tout ce qui se fait puis à la sagesse elle-même. Il a réfléchi sur la sagesse tout en cherchant à comprendre les causes de tant de désordres dans ce monde. Quel est son verdict ? La sagesse augmente la douleur. Elle nous rend plus lucides sur les dégâts causés par le péché et sur notre impuissance à y remédier.