Sa recherche a conduit le Prédicateur à une voie sans issue… Il va maintenant regarder à Dieu. Il nous le présente comme celui qui donne (une quinzaine de fois dans tout le livre). Dans la Bible, le don de Dieu nous parle à la fois de sa souveraineté et de sa bonté miséricordieuse. Ici, le don a davantage le premier sens, celui d’une attribution sage et bonne, qui dépasse la compréhension humaine.
Le premier don qu’il évoque, c’est de “manger, boire, faire jouir son âme du bien-être dans son travail” (verset 24). Il ne s’agit pas d’une jouissance égoïste mais d’un bonheur simple qui est rehaussé et rendu plus grave, quand nous avons conscience qu’il vient de Dieu. Ce don de Dieu est avant tout intérieur : sagesse, connaissance et joie. Il transforme la vie. Mais celui qui pèche se trompe de but en voulant amasser toujours plus. Dieu le place alors dans une situation où il ressent toujours davantage la vanité.
Malgré ce rayon de lumière, le Prédicateur revient à son refrain persistant : “Cela aussi est vanité”. La méditation sur Dieu ne nous suffit pas, il nous faut davantage, il nous faut sa révélation en grâce.
Ce poème dépeint la richesse de la vie humaine. Entre le temps de naître et le temps de mourir, il évoque toute la gamme du vécu en associant à chaque fois la chose et son contraire :
Le monde est asservi au mal, à la vanitéRomains 8. 20. Mais Dieu contrôle et maîtrise tous les événements, de manière cachée. Il se sert des hommes pour maintenir un certain équilibre. Dans sa sagesse divine, dans sa bonté, Dieu nous dispense une vie variée et harmonieuse quand nous acceptons tous les moments comme donnés de lui. Non de manière passive, mais en recherchant comment nous devons vivre chaque instant. Ce texte nous délivre de la paresse car il n’y a pas de temps vide. Il nous libère du stress, car chaque activité reçoit sa juste place. Il vaut la peine de vivre pour le Seigneur1 Corinthiens 7. 29-31.
Pourquoi travailler ? Pourquoi se tourmenter ? Le résultat est tellement incertain. Deux fois déjà, le Prédicateur a buté sur cette question (1. 13 ; 2. 22). Il n’élude pas les questions difficiles. Par le travail, Dieu nous amène à prendre notre place devant lui. Il nous révèle alors la beauté et la sagesse de son œuvre. Elles nous confondent.
De plus, Dieu a mis en nous un désir qui nous dépasse (verset 11). Nous essayons de prendre du recul, de discerner le plan selon lequel tout se déroule. Mais c’est en vain, nous sommes inexorablement liés à la création passagère et nous ne pouvons tout comprendre. La science a ses limites, Dieu l’a voulu ainsi.
Le verset 12 répète le verset 24 du chapitre 2. Combien le Prédicateur est conscient de l’intervention divine dans la vie des humains ! Il invite à se réjouir, à se faire du bien parce que cette attitude se lie à la reconnaissance envers Dieu. Autant la capacité de travailler que celle de jouir de son travail viennent de Dieu qui donne de la joie à l’homme et témoigne ainsi de sa bontéActes 14. 17.
Mais le Prédicateur ne s’arrête pas simplement à la reconnaissance de l’œuvre de Dieu. Il va plus loin. Il se prosterne. “Tout ce que Dieu fait subsiste à toujours ; il n’y a rien à y ajouter, ni rien à en retrancher” (verset 14). Cette perfection a pour objet de nous amener à la grande sagesse de la créature, celle de craindre Dieu. Ce sera la conclusion du livre. Déjà, elle apparaît comme un rayon de lumière. L’homme soumis à la vanité est conduit au respect du Créateur, dont non seulement l’œuvre est parfaite, mais qui est au-dessus du temps, du passé comme du futur. Rien ne peut lui échapper. Ces réflexions introduisent en filigrane la pensée du jugement final de Dieu.
Cette faim et cette soif de la justiceMatthieu 5. 6 ne peuvent être comblées aujourd’hui. Malgré leurs efforts, les hommes ne peuvent établir la justice. La méchanceté s’étend partout, jusqu’aux endroits mêmes où elle devrait être condamnée, aux pouvoirs politiques, aux tribunaux et dans nos propres cœurs.
Ce terrible constat ne nous engage pas à baisser les bras mais nous donne plus de lucidité. Il nous fait comprendre l’absolue nécessité de l’intervention de Dieu. N’est-ce pas une source de force et de patience pour tous ceux qui souffrent de l’injustice que de s’en remettre à Dieu ? Il jugera le mal en son temps.
Dieu éprouve les hommes par toutes sortes de moyens pour qu’ils “voient eux-mêmes” la vanité de leur existence. Ils ressemblent tellement aux animaux. Comme tout dans la nature, ils sont passagers et finissent par s’éteindre dans la mort physiquePsaume 49. 13.
Rien ne nous pousse davantage à réfléchir que la vision de tout ce qui éprouve l’humanité : les guerres, les épidémies, les tremblements de terre et surtout la cruauté de toutes les oppressions politiques, sociales, religieuses (4. 1). Quand la vie d’un homme ne semble avoir aucune valeur… chacun mesure alors l’étendue de son néant. Il est acculé à se poser les questions de fond. Vaut-il mieux qu’une bête ? De telles pensées de pessimisme profond montent en effet, un jour ou l’autre, dans nos esprits. Mais, miséricorde divine, la Parole, dans ces versets, précède nos tristes pensées, afin de faire luire dans cette fosse profonde, l’espérance d’une issue.
Si dans la mort, le corps retourne à la poussière, où va l’esprit, le souffle, le principe vital ? 1 Sans révélation divine, l’homme ne peut rien dire. La fin du livre apporte la réponse : “L’esprit retourne à Dieu” (12. 8). D’autres textes de la Bible montrent la différence radicale entre l’homme et l’animalGenèse 1. 22 ; Matthieu 6. 26.
Mais ici, le Prédicateur conclut provisoirement que l’homme doit trouver son bonheur dans les choses présentes (verset 22). Sagesse élémentaire qui devra être enrichie par la lumière de l’espérance qu’apporte l’Évangile.