La jeune fille interrompt son bien-aimé : oui, elle veut boire avec lui à cette coupe de joie… qui réveille les sentiments “de ceux qui s’endorment”. C’est une confession de ses défaillances passées (5. 2) qui ont contrasté avec l’amour sans faille de son bien-aimé. Libérée d’elle-même, elle donne, enfin, la note la plus élevée de son attachement : “Je suis à mon bien-aimé” (voir 2. 16 et 6. 3). Jean connaîtra un cheminement de pensée analogue : ce n’est plus une place à la droite de Jésus dans le royaume, mais un seul titre qu’il revendiquera à la fin de son évangile : “le disciple que Jésus aimait” Jean 13. 23 ; 19. 26 ; 20. 2 ; 21. 7, 20 et une seule place près de son cœurJean 13. 25, malgré ses prétentions inconsidérées du passéMarc 10. 37.
La bien-aimée ajoute : “Son désir se porte vers moi” ; il avait été dit à la première femme : “Ton désir sera tourné vers ton mari, et lui dominera sur toi” Genèse 3. 16. Quelle différence entre l’esprit de domination de l’homme naturel et les sentiments d’amour profond et fidèle du bien-aimé ! Le N.T. franchit une étape de plus quand il nous révèle l’amour fort comme la mort de Christ pour son épouse : “Christ a aimé l’assemblée et s’est livré lui-même pour elle” Éphésiens 5. 25.
La Sulamithe a hâte maintenant d’accompagner son bien-aimé ; elle l’avait si longtemps laissé appeler en vain (2. 10, 13 ; 4. 8) qu’elle voudrait se racheter : “Viens !” lui dit-elle, un peu comme les disciples d’Emmaüs diront à Jésus : “Demeure avec nous” Luc 24. 29 après qu’il aura fait brûler leur cœur. Elle est prête à ce qu’ils fassent désormais tout ensemble : sortir, passer, se lever, voir, donner… découvrir la richesse et la diversité des récoltes qui s’annoncent si belles.
En prémices, n’y a-t-il pas déjà “à nos portes”, dit-elle :
Les fruits anciens, nous les trouvons dans les sentiments d’amour de la bien-aimée qui éclataient dès les tout premiers versets (1. 2, 4), mais comme ils étaient encore chargés d’égoïsme ! Les épreuves qui se sont succédé les ont rendus plus généreux, à l’image de ceux du bien-aimé.
Les fruits nouveaux, nous les trouvons ici, faits de confiance dans le bien-aimé, de disponibilité pour lui.
Mais surtout, ces qualités s’accompagnent de chasteté, de pureté virginale, qui permettent à la fiancée d’ajouter : “Mon bien-aimé, je les ai gardés pour toi !” Bientôt ils partageront ensemble la douceur des liens conjugaux : “Je te donnerai mes amours”.
Les résidus d’Israël et de Juda manifesteront ces mêmes sentiments. Leur amour pour leur Messie, pour leur patrie bien-aimée, se formera et mûrira au travers d’épreuves sans nombre ; mais leur foi sera affermie par la pensée que le fruit le plus excellent sera de contempler le “Fils de David” dans la gloire de son règne et de s’y trouver tous ensemble associés.
Et nous, croyants, n’aurions-nous pas, formés dans nos cœurs, malgré nos insuffisances, quelques fruits à présenter à Celui qui nous aime et que nous allons voir tout à l’heure : la consécration, la patience, la fidélité, l’esprit de louange… tout ce qui devrait refléter ici-bas l’image de celui que nous “aimons parce que lui nous a aimés le premier” 1 Jean 4. 19 ?
Dans leur première rencontre (1. 2-4) la fiancée avait désiré recevoir un gage de l’amour de son bien-aimé : “Qu’il me baise des baisers de sa bouche !” Leur union est très proche maintenant et le souhait de la jeune fille serait de pouvoir donner, sans inconvenance, un témoignage public du lien d’amour conjugal qui l’unira désormais à son époux : “Je t’embrasserais, sans qu’on m’en méprisât” ; mais par délicatesse et par respect des bienséances elle reste réservée. Quel regret pour elle que ses relations avec son bien-aimé ne soient pas plus simplement à l’image des relations familiales d’un frère avec sa sœur ! Alors elle pourrait introduire le bien-aimé dans la maison de sa mère (voir 3. 4) ; là, il l’instruirait et elle lui apprendrait la valeur des joies simples (vin et grenades). Et l’on peut traduire ce qu’elle ajoute, comme se parlant à elle-même : « Comme il serait bon de pouvoir, comme autrefois (voir 2. 6, 7), goûter ensemble un amour pur, rempli de tendresse que plus rien ne troublerait » ; c’est un peu le sens des versets 2, 3 et 4 (comp. Genèse 24. 67).
On retrouve, dans ces scènes, le thème prophétique du résidu introduisant son Messie dans la maison d’Israël (la mère), recevant de lui un merveilleux message de paix et lui apportant, en retour, la joie et l’amour d’un peuple pleinement restauré et attaché à sa personne pour toute la durée du règne millénaire.