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Commentaire sur l'épître à Philémon
S. Berney
17 Donc, si tu me considères comme associé à toi, reçois-le comme moi-même.

Les versets 17 à 21 abordent un sujet sensible : les dettes que pouvait avoir contractées Onésime. Comment concilier l’accueil d’Onésime comme un frère bien-aimé, alors que ce dernier était parti en laissant peut-être un contentieux, des dettes non réglées ? C’est avec beaucoup de délicatesse, de sagesse et d’amour que Paul passe d’un sujet relationnel à ce domaine d’ordre matériel. D’entrée, il balaye les craintes et les réserves que Philémon pourrait avoir, et se réfère à la communion qui l’unit à Philémon : puisque (si) je suis ton compagnon (associé), alors reçois Onésime comme moi-même (c’est-à-dire : comme moi je le reçois, comme un frère bien-aimé).

Reçois-le comme moi-même” : par cette injonction, Philémon est exhorté à recevoir Onésime comme s’il accueillait l’apôtre lui-même. Paul savait qu’il serait reçu par Philémon à bras ouverts et avec sans doute beaucoup d’égards. Il invite Philémon à faire de même avec Onésime.

Ne sommes-nous pas en danger de considérer certains frères et sœurs de manière différente que d’autres, et d’agir comme les gens de ce monde ? Or la Parole nous enseigne à ne pas faire de favoritisme (1 Timothée 5. 21 ; Jacques 3. 17), à avoir un même sentiment (Romains 12. 16) et “un égal soin les uns des autres” (1 Corinthiens 12. 25). N’oublions pas que celui qui reçoit un petit enfant au nom du Seigneur, reçoit le Seigneur lui-même (Matthieu 18. 5 ; 25. 40).

18 Mais s’il t’a causé du tort ou s’il te doit quelque chose, mets-le à mon compte.

Contrairement au “si” affirmatif du verset précédent, le “si” de ce verset est un conditionnel, qui peut être traduit par “dans le cas où”. Paul semble ne rien savoir au sujet d’éventuelles dettes d’Onésime envers Philémon :

  • Paul ne suppose pas le mal, un caractère de l’amour divin (1 Corinthiens 13. 6). Demandons à Dieu d’opérer son travail dans nos cœurs pour que son amour en nous produise les mêmes effets !
  • Le sujet des conversations entre Paul et Onésime ne portait sans doute pas sur les torts passés de l’esclave. Ainsi, les choses célestes doivent occuper nos pensées et nos échanges (Philippiens 4. 8), et non pas les torts et les travers de nos frères et sœurs. Gardons-nous des rapportages, des commérages et de la médisance (Lévitique 19. 16 ; 1 Pierre 2. 1) !

Toutefois, un contentieux encore non réglé pouvait subsister entre Onésime et Philémon ; des torts et des dettes contractées par Onésime étaient peut-être à l’origine de sa fuite. Comment concilier cela avec la réception de l’esclave comme un frère bien-aimé (v. 16) ? Fallait-il simplement effacer le passé, faire “table rase” comme si tout était réglé ? Les versets 18 et 19 nous donnent alors de précieux enseignements :

  • Après sa conversion, le racheté est une nouvelle création : “les choses vieilles sont passées” (2 Corinthiens 5. 17). Mais ce changement radical opéré par la grâce de Dieu concerne sa position et sa relation vis-à-vis de Dieu. Quant à la vie terrestre, la conversion n’éponge pas les conséquences des péchés antérieurs, et n’annule pas les effets de la justice humaine : les torts doivent être réglés.
  • Paul se charge de payer les éventuels dommages datant d’avant la conversion d’Onésime (que ce dernier aurait probablement été incapable de régler). Cette belle attitude de Paul, manifestation de l’amour “plein de bonté” qui “se réjouit avec la vérité” (1 Corinthiens 13. 4, 6), devrait, par exemple, nous inciter à être ses “imitateurs” (Philippiens 3. 17) si nous connaissons un jeune converti qui a des dettes liées à sa vie passée.
  • Paul ne veut pas que les aspects matériels constituent un obstacle à la restauration de la relation entre Philémon et Onésime. Que de fois, en effet, la chair agit en nous sur des aspects pratiques, et empêche le travail de Dieu !

Notons enfin que nous ne trouvons aucune instruction dans cette épître concernant la confession des fautes et le pardon, comme nous le voyons dans d’autres épîtres adressées à des assemblées (2 Corinthiens 2. 7 ; Éphésiens 4. 32 ; Colossiens 3. 13). Cela s’explique peut-être par le caractère personnel de cette épître ; mais ne doutons pas que Dieu produira le travail nécessaire dans les cœurs !

19 Moi, Paul, je l’écris de ma propre main :

La plupart des épîtres de l’apôtre Paul ont été écrites par quelqu’un à qui il a dicté ses paroles (voir, par exemple : Romains 16. 22 ; 1 Corinthiens 16. 21). Seule l’épître aux Galates a été entièrement rédigée par la propre main de Paul, qui se nomme “apôtre par Jésus Christ et Dieu le Père” (Galates 1. 1 ; 6. 11). Les Galates avaient été entraînés dans une grave dérive (retour au judaïsme) ; en écrivant lui-même cette épître, l’apôtre met en évidence la solennité de son message.

Ici, nous ne savons pas ce que Paul a exactement écrit de sa propre main (l’épître entière, la partie rédigée avec le pronom personnel “je” (v. 8-25), les versets concernant la prise en charge des éventuels dommages (v. 17-21), ou uniquement les mots de ce verset). Mais cela importe peu : l’Écriture inspirée montre que l’apôtre donne la même importance aux aspects pratiques de cette épître qu’aux points doctrinaux développés dans l’épître aux Galates.

19 c’est moi qui paierai (pour ne pas te dire que tu te dois toi-même aussi à moi).

Philémon avait-il été aussi lui-même converti par le moyen de l’apôtre Paul ? Avait-il, en quelque sorte, une dette morale envers lui ? C’est ce que certains commentateurs ont pu écrire au sujet de ce verset.

Mais, dans le contexte des sentiments mis en évidence dans cette épître, ce verset semble avoir aussi un sens supplémentaire. En effet, au verset 18, Paul a demandé à Philémon de mettre les éventuelles dettes d’Onésime sur son propre compte. En connaissant la situation de l’apôtre (en prison, isolé, probablement sans moyens financiers), Philémon aurait pu avoir beaucoup de réticence à faire cela, et se sentir ensuite redevable vis-à-vis de l’apôtre. Mais ici, l’apôtre anticipe ces craintes : avec une délicatesse remarquable, en écrivant “de sa propre main” (ce qui est en quelque sorte une garantie), il libère Philémon de cette charge.

Connaissant la nature humaine, Paul ne veut pas que les aspects matériels soient un obstacle dans le développement de la vie spirituelle. C’est pour cela qu’il insiste pour payer lui-même les dettes encore non réglées de son enfant nouveau-né dans la foi.

Bien qu’emprisonné et dépendant de la libéralité des croyants (Philippiens 4. 18), l’apôtre, par amour pour son Seigneur, fait passer ses frères et sœurs au-dessus de ses propres besoins matériels.

En cela, il montre un autre caractère de l’amour, qui ne cherche pas son propre intérêt (1 Corinthiens 13. 5) : quel encouragement pour nous !

20 Oui, frère, que je tire ce profit de toi dans le Seigneur : rafraîchis mes affections en Christ.

Paul reprend ici la suite du verset 16, en appuyant ce qu’il dit par cette expression : “oui, frère”.

Au verset 7, l’apôtre avait mis en évidence que, par son amour, Philémon réconfortait le cœur des croyants. Ici, l’apôtre souhaite être aussi lui-même bénéficiaire (tirer profit) de cet amour et expérimenter ce rafraîchissement de l’âme ; ce serait le cas lorsque Philémon recevrait Onésime comme son frère bien-aimé. L’apôtre serait ainsi rafraîchi, encouragé par ce témoignage supplémentaire d’amour de Philémon.

Le profit de Paul est “dans le Seigneur” : ce n’est donc pas une demande égoïste, par intérêt personnel, mais en vue de la gloire du Seigneur. C’est ainsi que chaque service que nous effectuons doit être accompli dans le Seigneur et pour le Seigneur.

21 C’est pleinement assuré de ton obéissance que je t’écris : je sais que tu feras même plus que je ne dis.

Ce verset termine la prière de Paul à Philémon en faveur d’Onésime.

Paul est assuré de l’obéissance de Philémon. L’obéissance peut se réaliser de deux manières : par amour, ou par contrainte. Lorsque l’amour est le mobile, aucun ordre n’est nécessaire : l’amour sait identifier les besoins, et agir conformément à la volonté de celui qu’on aime. Combien cela devrait caractériser nos vies de famille et d’assemblée !

Dans cette épître, Paul n’a donné aucun ordre à Philémon. Il ne dit pas : “plus que je ne demande”, mais “plus que je ne dis”. Cette lettre n’est pas une instruction, mais l’expression d’un profond désir qui correspond à la volonté divine.

Paul sait que Philémon fera même plus que ce qu’il a dit. Or dans les versets précédents, il est question de recevoir Onésime “au-dessus d’un esclave, comme un frère bien-aimé, comme l’apôtre lui-même”, et il a été demandé à Philémon de mettre les éventuelles dettes de l’esclave sur le compte de l’apôtre. Que signifie alors “faire plus” ? Philémon saura “lire entre les lignes”, Paul en est convaincu ; et il sait également que Philémon, mû par l’amour de Dieu, agira envers Onésime mieux que ce que Paul exprime dans cette lettre. Bien que cela ne soit pas mentionné, peut-être trouvons-nous ici en filigrane le vœu secret de l’apôtre que Philémon affranchisse Onésime de son statut d’esclave ?

Synthèse des versets 17 à 21

Paul s’engage à payer les éventuelles dettes qu’Onésime aurait contractées ; de cette manière, ces aspects matériels ne seront pas un obstacle dans le développement des nouveaux liens entre Philémon et Onésime. L’apôtre est persuadé que Philémon interprétera correctement ses lignes, et fera même davantage que ce qu’il a écrit.