Dès le début du chapitre 3, Jérémie entre dans une position nouvelle : “Je suis l’homme qui ai vu l’affliction par la verge de sa fureur”. Il s’identifie au peuple coupable et prend sa place sous le châtiment. Il connaît les exigences de la sainteté de Dieu et il éprouve au plus profond de lui-même les effets de sa colère, bien qu’il n’ait pas personnellement commis les péchés qu’elle frappe. Sa douleur n’en est que plus profonde, car rien ne vient atténuer dans ce cœur intègre l’horreur de l’abandon total qui découle de cette colère.
Il connaît l’accablement d’être frappé, non seulement par des ennemis, mais par Dieu lui-même : il est enfermé dans une détresse sans issue. De plus, tandis qu’il souffre ainsi à cause des péchés des habitants de Jérusalem, il est l’objet de leur dérision et de leurs sarcasmes.
Jérémie préfigure Christ. En effet, celui-ci est entré d’une manière parfaite et plus profonde encore, dans les souffrances que Jérusalem et le résidu juif connaîtront à la fin, quand Dieu enverra sur eux la détresse de JacobJérémie 30. 7 à cause de leur incrédulité et du rejet du Messie.
Bien des expressions annoncent ce que Christ a connu, comme nous le rapportent les évangiles et les psaumes qui prophétisent de lui.
Jérémie souffre, accablé par une douleur qui va jusqu’au découragement, marque de la faiblesse humaine. Aussi plusieurs de ses expressions ne peuvent être appliquées directement à Christ. Au verset 18, “J’ai dit : Ma confiance est périe”. Au verset 5, Jérémie dit : “Il a brisé mes os”. Les os sont une image de la volonté, de ce sur quoi l’homme s’appuie intérieurement. Il n’y avait aucune volonté à briser en ChristJean 19. 36. La prescription de ne pas casser un os de l’agneau pascalExode 12. 46, l’annonçait à l’avance. Mais l’expression du Psaume 22, verset 14 : “Tous mes os se déjoignent”, s’applique directement à lui. Elle traduit de façon éloquente la mise de côté complète de sa volonté : “Que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui soit faite” Luc 22. 42.
Nous trouvons dans ces versets des expressions qui suggèrent les souffrances de l’expiation : “Il m’a conduit et amené dans les ténèbres, et non dans la lumière. Certes, c’est contre moi qu’il a tout le jour tourné et retourné sa main” (versets 2, 3) ; “Il ferme l’accès à ma prière” (verset 8). Celui qui souffre ici ressent personnellement le châtiment pour des fautes qu’il n’a pas commises, mais qu’il prend sur lui. Christ a été le parfait substitut pour porter les péchés. “A cause de la transgression de mon peuple, lui, a été frappé” Ésaïe 53. 8, et c’est parce qu’il a souffert ainsi, qu’Israël sera rétabli. Pourtant nous ne devons pas perdre de vue que dans tout ce livre, les châtiments, si terribles qu’ils soient, s’exercent sur des hommes au cours de leur vie sur la terre (3. 39), principalement d’une manière collective (1. 1 ; 2. 2 ; 4. 6). Nulle part n’y est évoquée la question de la rétribution finale des péchés de chacun après la mortHébreux 9. 27. Or c’est ce jugement final que Christ a porté à notre place dans l’expiation.
Les souffrances de l’expiation sont impénétrables et demeurent un mystère. Peut-être peut-on dire que cette portion des Saintes Écritures nous fournit les expressions qui nous permettent d’approcher le plus Christ souffrant sur la croix sous le poids de la colère de Dieu. Elles nous laissent cependant bien à distance de ses souffrances, nécessaires pour ôter nos péchés. Seul, Il les a endurées, afin que nous n’ayons jamais rien à en connaître. Qu’il en soit béni à toujours !
Dans la profondeur de sa détresse, Jérémie est cependant soutenu. Il cesse de décrire les coups que lui inflige l’Éternel pour s’adresser à celui qui le frappe ; son espérance et sa confiance sont ranimées. On remarque qu’alors il n’est plus seul, il s’associe à d’autres en s’appuyant sur la bonté et la fidélité de l’Éternel : “Ce sont les bontés de l’Éternel que nous ne sommes pas consumés, car ses compassions ne cessent pas”. Encore une expression qui montre la différence avec Christ, absolument seul dans ses souffrances sur la croix. Le paragraphe des versets 22 à 24 fournit au croyant éprouvé des paroles profondément encourageantes de foi et d’espérance. Combien se sont répété avec bonheur au travers de leurs larmes : “Ses compassions ne cessent pas. Elles sont nouvelles chaque matin. Grande est ta fidélité !”.