Le prophète contemple avec stupéfaction la dévastation de Jérusalem, autrefois si peuplée et prospère, maintenant vide et détruite. Sa population décimée est allée en captivité ; ceux qui dominaient sont réduits en esclavage. Rien n’a échappé à la destruction et au pillage. Personne n’a trouvé grâce devant les ennemis ; même ceux qui auraient dû forcer le respect ou la pitié : sacrificateurs, jeunes filles, enfants, tous ont été victimes de leur cruauté. Jérusalem est abaissée publiquement, abandonnée par tous ceux qui avaient autrefois envié ou partagé sa prospérité. A maintes reprises cet abandon complet est souligné : “Il n’y a personne…” (versets 2, 4, 7, 9, 17, 21).
Mais, en présence d’un tel spectacle, ce sont les causes de cette désolation qui remplissent le cœur du prophète. “L’Éternel l’a affligée à cause de la multitude de ses transgressions” et “Jérusalem a grièvement péché”. Elle s’est rendue impure en se liant aux nations qui l’ont entraînée dans leur idolâtrie : “Tu t’es prostituée à beaucoup d’amants” Jérémie 3. 1 ; Ézéchiel 23. 11. Maintenant ceux qui la courtisaient se sont changés en ennemis pour l’opprimer et se moquer d’elle.
Non seulement la ville a été pillée et détruite, ses habitants menés en captivité, mais les gens des nations sont entrés dans le sanctuaire que l’Éternel avait établi et au sujet duquel il avait lui-même commandé qu’ils n’y entrent pasDeutéronome 23. 4. Comment l’Éternel resterait-il insensible à une telle profanation ? Par deux fois, la douloureuse description du prophète est interrompue par un poignant appel de Jérusalem elle-même sous le poids de l’orgueil cynique de l’ennemi : “Regarde, ô Éternel, mon affliction !” puis : “Regarde, Éternel, et contemple, car je suis devenue vile”. La montagne sainte, la ville du grand roiPsaume 48. 2, 3, est foulée aux pieds par les nations. Cet appel répété qui monte de la poussière vers un Dieu connu est un soupir de la foi, mais c’est le temps du silence ; Dieu se taitJérémie 11. 11 ; 18. 17. Dans tout ce livre, une seule parole est adressée de sa part aux fils d’Israël, après que la repentance a été complète (4. 22).
Le souvenir des jours heureux est un des sujets de souffrance pour Jérusalem. Quel souvenir rongeant ce sera pour ceux qui seront jetés dans l’étang de feuApocalypse 20. 15, d’avoir entendu, sans la recevoir, la bonne nouvelle du salut gratuitement offert aujourd’hui !
Accablée par le silence de l’Éternel, Jérusalem exhale sa plainte : “N’est-ce rien pour vous tous qui passez par le chemin ? Contemplez et voyez s’il est une douleur comme ma douleur… à moi que l’Éternel a affligée au jour de l’ardeur de sa colère” (verset 12). La honte et les railleries sont amères, l’indifférence est insupportable, mais ce qui est plus douloureux encore, c’est la conviction d’être frappée par l’Éternel lui-même : il est par conséquent impossible d’échapper à la main de l’oppresseur. Le sentiment de la colère de l’Éternel à cause des péchés commis pénètre le cœur de Jérusalem : elle pleure sans retenue, non seulement à cause de sa désolation, mais parce que le seul consolateur qui pourrait lui être en secours se tient à distance.
En quelques mots, dans le verset 17, le prophète résume la triste condition de Jérusalem :
La plainte déchirante du verset 12 nous fait penser à une douleur bien plus grande encore, et nous arrête pour contempler Christ crucifiéGalates 3. 1. Le seul juste était frappé par Dieu à cause de nos péchés. Il l’a été en un seul jour, mais quelle ardeur et quelle colère ! Seulement, lui n’a pas proféré une parole pour attirer la pitié. Lorsque, sur le chemin vers la croix, les femmes pleuraient sur lui en se frappant la poitrine, il leur a dit : “Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants” Luc 23. 28. Et sur la croix, il a intercédé pour ceux qui l’ont crucifiéÉsaïe 53. 12 ; Luc 23. 34.
L’interpellation : “N’est-ce rien pour vous ?” nous stimule à ne pas rester indifférents devant tant de souffrances que nous côtoyons, comme le sacrificateur et le lévite de Luc 10, versets 31 et 32. Plus encore, elle s’adresse avec force à tous ceux qui sont restés insensibles à ce que “Christ a souffert une fois pour les péchés, le juste pour les injustes, afin de nous amener à Dieu” 1 Pierre 3. 18.
Reconnaissant sa culpabilité, Jérusalem s’écrie : “L’Éternel est juste”. Cette déclaration est le signe d’un vrai travail de conscienceDaniel 9. 14 ; Esdras 9. 15 ; Néhémie 9. 8, 33 chez celui qui ne se borne pas à accepter un châtiment inévitable. Il reconnaît que la sentence est pleinement méritée. Deux faits sont publiquement confessés :
C’étaient les deux grands sujets des avertissements de l’Éternel à son peuple au temps où il refusait d’écouterJérémie 2. 13 ; 3. 13.
Tandis que Jérusalem renouvelle son douloureux appel : “Regarde, Éternel, car je suis dans la détresse” (verset 20), le labourage intérieur s’approfondit : “je me suis grièvement rebellée” (verset 20). Le malheur qui atteint Jérusalem vient de l’Éternel. Les ennemis s’en réjouissent et se moquent, mais cette conviction donne à la foi l’assurance que le jour viendra où l’Éternel rétribuera pareillement l’iniquité de mes adversairesJérémie 25. 29. Jérusalem appelle de ses vœux ce juste renversement des choses. Cet appel à la vengeance est caractéristique de la position d’Israël, car la destruction de ses ennemis sera l’occasion de sa délivrance, alors qu’il n’aurait pas sa place dans la bouche d’un chrétien.