Aucune émotion n’avait marqué l’attitude de Jonas en annonçant le terrible jugement qui devait tomber sur la ville, ni en présence de leur repentance. Rien ne laissait transparaître ses sentiments. Mais lorsque l’Éternel fait grâce et diffère l’exécution du jugement, alors sa colère éclate. Il se plaint amèrement à l’Éternel et dévoile toute l’amertume qui remplissait son cœur depuis le commencement. Il prétendait juger Dieu pour justifier sa fuite initiale ! Que Jonas ait eu de telles pensées lors de sa première mission, est déjà surprenant pour un prophète ; mais qu’elles subsistent après ce qu’il vient de vivre paraît inconcevable. Est-ce le même homme qui avait prié dans le ventre du poisson et compté sur la délivrance de L’Éternel ? Sa volonté avait été brisée, mais son cœur naturel restait le même, réellement incurable, capable de relever la tête après s’être courbé comme un roseau sous la tempêteÉsaïe 58. 5, toujours prêt à se justifierLuc 18. 9 en accusant Dieu s’il le fallait. Si Dieu était tel que Jonas le voudrait, ne devrait-il pas frapper une telle impudence ? Sa réponse à Jonas est une question pénétrante, mais pleine de patiente douceur. Elle nous fait penser aux questions que le Seigneur Jésus a posées à ses détracteursLuc 7. 42 ; 20. 24, 44. Jonas y paraît insensible. N’agissons-nous pas souvent ainsi, en nous obstinant dans nos propres pensées, quand Dieu nous sollicite avec une telle bonté ? Si seulement nous savions l’écouter quand il s’adresse à nous comme autrefois au pharisien : “Simon, j’ai quelque chose à te dire” Luc 7. 40.
Jonas pensait-il que la question de l’Éternel : “Fais-tu bien de t’irriter ?” l’invitait à attendre un peu ? L’exécution du jugement annoncé est-elle seulement différée de quelques jours ? Il s’installe pour voir la fin. Mais Dieu voit la “misère” de Jonas, celle d’un cœur mécontent, et pour le soulager, il lui procure un peu de bien-être par l’ombre du kikajon1. Jonas apprécie aussitôt ce réconfort. Il en éprouve une grande joie, mais pas un mot de reconnaissance ne sort de sa bouche, bien que le miracle de la croissance rapide du kikajon lui montre l’intervention de Dieu. La grâce dont il est l’objet devrait lui ouvrir le cœur pour se réjouir de la grâce que Dieu a accordée à Ninive, mais il n’en est rien.
Le lendemain, l’Éternel se sert d’un ver et d’un vent d’orient pour exposer Jonas sans protection aux rayons du soleil. Dieu se sert de tout, des plus petites choses aux plus grandes. Jonas passe aussitôt de la joie à l’abattement et répète ses paroles amères. L’Éternel renouvelle sa questionJob 33. 14, mais Jonas s’enferme dans son irritation. Notre fragilité n’a d’égal que notre amour-propre.
“Qui enseigne comme lui ?” Job 36. 22. Sans accabler Jonas, ni lui reprocher son égoïsme, l’Éternel suppose que Jonas est accessible à la pitié. Il lui montre alors combien il aurait dû justifier Dieu et admirer sa miséricorde plutôt que de s’en plaindre. Jonas se tait. Il nous convient souvent de le faire en présence de Dieu et de nous laisser simplement reprendre et instruireJob 40. 4, 5 ; Psaume 39. 10. Mais nous avons cependant une réponse de Jonas : c’est qu’il a écrit ce livre. Sous l’inspiration divine, il raconte son histoire ; il reconnaît ainsi son erreur et son entière confusion (c’est aussi la nôtre). Ainsi, il glorifie Dieu, et c’est pourquoi Jonas est honoré par lui.
Le livre de Jonas montre ce qu’est “l’Éternel, Dieu, miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère et grand en bonté et en vérité” Exode 34. 6. Il s’est révélé ainsi à Israël, mais il est le même pour tous les hommes. En contraste, ce livre montre Israël, représenté par Jonas, porteur devant le monde du message de vérité, incapable de comprendre et d’accepter que la bonté de Dieu dont il est lui-même l’objet, accompagne la vérité de façon inséparable.
Maintenant, Dieu s’est pleinement révélé en Christ : “La grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ” Jean 1. 17. Oh ! que Dieu nous pénètre de la grandeur de sa grâce et de sa vérité jusqu’à réduire à néant notre égoïsme naturel. Alors nous pourrons annoncer “la parole de la vérité de l’évangile” pour faire connaître “la grâce de Dieu en vérité”. En le faisant à Colosses, Epaphras avait manifesté les caractères d’un “fidèle serviteur du Christ” Colossiens 1. 5-7.