L’apôtre souligne à nouveau le caractère charnel des séducteurs et leur complaisance dans la souillure (versets 2, 10). Il y revient encore au verset 13, mais dénonce auparavant leur comportement outrageux et leur mépris de toute autorité. Cette attitude, indice des temps fâcheux2 Timothée 3. 1-5, s’accentue aujourd’hui et contribue à la ruine des familles, des nations, de l’Église. Elle trouvera son apogée lors de l’apparition de l’Antichrist, “l’homme de péché” qui se présentera à la fin comme étant Dieu2 Thessaloniciens 2. 3-8. Sa folie orgueilleuse lui vaudra d’être jeté vivant dans le feu éternel.
Un tel “mystère d’iniquité” se développe depuis le temps des apôtres ; les principes qui germaient alors se confirment dans le temps actuel précédant la venue du Seigneur. Des hommes s’élèvent avec audace et arrogance même dans les milieux chrétiens ; “adonnés à leurs propres vues”, ils estiment avoir toujours raison dans leur jugement. Cette attitude condamnable doit faire réfléchir tous ceux qui sont amenés à assumer quelque responsabilitéTite 1. 7.
Mais le mal dénoncé par l’apôtre va plus loin ; ces meneurs exaltés s’introduisent dans un domaine invisible et mystérieux, qu’ils ne peuvent connaître (verset 12) Jude 8-10. Là, sans trembler, ils injurient les dignités. L’apôtre fait allusion aux anges déchus dont Satan est le chef. Malgré leur méchanceté, ces êtres puissants sont encore aujourd’hui dans les lieux célestesÉphésiens 6. 12. Les anges saints s’expriment à leur égard avec mesure, tout en connaissant leur iniquité ; mais ces gens sans retenue en “parlent injurieusement”. Ils sont dépourvus de toute spiritualité, et se comportent comme des animaux naturels destinés à la capture et à la destruction (verset 12). Gardons-nous nous-mêmes d’entrer dans le domaine des choses invisibles sans la foi et sans la lumière de la parole de Dieu. Parlons sans moquerie de la puissance du diable.
On est étonné en constatant la dégradation de ces gens qui se sont glissés parmi les chrétiens pour les séduire. Leur corruption est pire que celle du monde, parce qu’ils se sont égarés du droit chemin. Satan s’est emparé de leur cœur à partir du moment où ils ont rejeté Christ. Ils s’enivrent alors des turpitudes du monde, de ces voluptés d’un jour, le jour bien bref de la vie d’un homme. Ils se séduisent eux-mêmes avec délices, oubliant le jour de demain, celui du jugement de Dieu. De plus, ils s’insinuent dans la compagnie de chrétiens mal affermis et devenus mondains. En effet comment ces derniers peuvent-ils accepter à leur table des gens qui font honte par leur conduite dépravée, et qui portent dans leur regard la marque de leur impureté ! L’apôtre applique à ces ignobles séducteurs la sentence divine inexorable : ils périront dans leur propre corruption.
Encore une fois, soyons sur nos gardes : fuyons les mauvaises compagnies qui corrompent les bonnes mœurs1 Corinthiens 15. 33, 34. Méfions-nous de ces faux docteurs, de ces corrupteurs “qui viennent à nous en habits de brebis, mais qui au dedans sont des loups ravisseurs. Vous les reconnaîtrez à leurs fruits”, dit JésusMatthieu 7. 15, 16, non pas à leurs belles paroles. Il nous convient toujours d’apprécier l’état moral de ceux qui enseignent, ainsi que le but et le résultat de leur activité.
La cupidité, le désir d’avoir toujours plus, en général au détriment d’autrui (versets 3, 14), est un mal qui a rongé le christianisme. Il est inné au cœur de l’homme naturel, et le croyant ne peut en être gardé qu’en “s’amassant des trésors dans le ciel” Matthieu 6. 19-21. Ceux qui ont une position en vue sont plus exposés que d’autres, mais les serviteurs fidèles se sont toujours défendus d’acquérir quoi que ce soit aux dépens d’autruiNombres 16. 15 ; 1 Samuel 12. 3 ; Actes 20. 33.
Balaam “aima le salaire d’iniquité” ; son chemin est marqué par la désobéissance à la Parole de Dieu. Il le suit pour obtenir un salaire inique de la part de Balak en maudissant le peuple d’IsraëlJude 11. Dieu lui avait pourtant déclaré : “Tu ne maudiras pas le peuple, car il est béni” Nombres 22. 12, et il le contraindra à prononcer cette bénédiction. Balaam est un prophète réprouvé ; il cache d’abord sa cupidité avec hypocrisie. Il a l’air de mépriser les trésors de Balak, alors qu’il brûle d’envie de les posséder. Il se donne l’apparence d’un homme pieux, alors qu’il n’est qu’un prophète sans crainte de Dieu, agissant bientôt avec “folie” et aveuglement. Il suit un sentier d’égarement avec obstination, et Dieu le laisse faire pour montrer jusqu’où peut aller un homme qui a été en contact avec lui, mais dont le cœur est séduit par l’appât du gain. C’est alors qu’une ânesse le reprend, à sa honte. Elle s’oppose à lui dans son chemin pervers en y voyant clair alors que lui est aveuglé ; elle lui parle d’une voix d’hommeNombres 22. 28-30 alors que lui agit “comme une bête sans raison” (verset 12). Dieu a permis ce miracle extraordinaire pour frapper la conscience de tous ceux qui risqueraient de s’engager dans une telle voie.
Après avoir dénoncé longuement le caractère inique des faux docteurs, l’apôtre insiste sur la manière dont ils s’emparent des esprits fragiles. Ils prétendent être à la source de vérités nouvelles, mais il n’y a pas d’eau dans leurs fontaines pour rafraîchir. Ils se placent comme des envoyés pour apporter de nouvelles bénédictions du ciel, mais il ne vient pas de pluie de leurs nuages poussés par la tempête. Leur brouillard obscur voile totalement la lumière de Dieu. Leurs orgueilleux discours ne sont que vanité et paroles d’illusion. Mais la fin qui leur est réservée est tragique : “les ténèbres de dehors” Matthieu 25. 30, l’obscurité pour toujours dans les tourments loin de Dieu. Leur perdition (verset 1) n’est pas l’anéantissement, comme certains d’eux le disent, mais bien la souffrance et les remords sans fin dans la nuit éternelle (verset 17).
En attendant, le mal qu’ils font est subtilement destructeur. Ils entraînent au relâchement des mœurs, par leurs discours et leur exemple, ceux dont la conscience avait commencé à être réveillée (verset 18). Ils s’appuient, pour convaincre, sur la grâce de Dieu au mépris de sa saintetéJude 4. Ils prônent la liberté chrétienne pour conduire à la liberté de mal faire. Ce mal est terrible ; il n’y a pas de pire corruption que celle qui touche aux choses sacrées.
Un certain nombre de Juifs évangélisés avaient “goûté la bonne parole de Dieu”, embrassé extérieurement la foi chrétienne, et leur conduite en avait momentanément éprouvé l’influence sanctifianteHébreux 6. 4-8. Mais ils avaient de nouveau été “enlacés” par les souillures du monde, en particulier sous l’effet des discours séduisants d’hommes corrompus. Ils avaient connu “la voie de la justice” (verset 21), celle qui plaît à Dieu, et semblaient s’y être engagés, puis s’étaient à nouveau égarés. N’ayant pas vraiment prêté l’oreille au saint commandement de Dieu : “Soyez saints, car moi je suis saint” 1 Pierre 1. 16, ils sont retournés à leur bourbier comme des animaux impurs : le chien, la truieProverbes 26. 11.
Comme Saül retournant aux enchantements1 Samuel 28. 7-10 et Israël à la séduction sataniqueMatthieu 12. 43-45, les apostats sont à nouveau dominés par la corruption. Il est pourtant dit d’eux qu’ils ont eu “la connaissance du Seigneur et Sauveur Jésus Christ” ; mais connaître ne suffit pas, il faut croire et obéir. Une simple réforme morale à la lecture des Écritures, sans la repentance et la foi, n’assure aucun fondement ni pour le présent ni pour l’avenir. La porte est ouverte à l’apostasie, au rejet des vérités chrétiennes reconnues pendant un temps. L’apostasie est la pire des incrédulités ; l’apôtre laisse entendre qu’elle sera sanctionnée par le plus terrible des jugements.