Au v. 17, Paul résume son intercession en faveur d’Onésime. Il se base sur la communion établie entre Philémon et lui (comp. verset 6). Il ne le commande pas et l’impératif “reçois-le” a été annoncé et modulé par le “je te prie” du verset 9. Cette lettre n’était pas commode à écrire, car Paul ne savait pas de façon sûre dans quel état d’esprit se trouvait Philémon. Aussi use-t-il, dans cette lettre de recommandation de tous les ménagements nécessaires que lui dicte l’amour pour ne pas froisser son frère, en particulier en ne lui imposant rien. Paul a ainsi l’humilité de donner à Philémon la première place dans leur relation.
De plus, Paul, qui sait pertinemment qu’il aurait été reçu à bras ouverts par Philémon, lui demande de recevoir son esclave comme lui-même. C’est une indication pour nous à éviter le favoritisme, quel que soit le passé ou la condition sociale présente de nos frèresJacques 2. 1-9.
Paul pense bien qu’Onésime lui a parlé à cœur ouvert de sa fuite, avec tout ce qu’elle comportait. Mais, en connaisseur expérimenté de la nature humaine, il sait que cet esclave pouvait malgré tout avoir fait du tort à Philémon, même sans s’en rendre compte1. Il sait aussi que les questions matérielles et financières ont plus d’importance qu’on ne le croit dans les relations fraternelles et qu’elles sont souvent à l’origine de troubles et de dissensions. Alors, dans le souci de ne rien laisser dans l’obscurité, il aborde la question, toujours avec la même franchise (versets 18, 19). Pour en montrer l’importance et le sérieux, il s’engage par une mention manuscrite personnelle2. Il nous arrive de prononcer des paroles ou des promesses en l’air, mais imitons l’apôtre qui va jusqu’au bout de ses engagements.
Avec délicatesse, Paul fait allusion à la dette que Philémon a envers lui sur le plan spirituel (verset 19b) ! Ce n’est pas une contrainte, mais le doux rappel de ce qu’il doit au ministère apostolique de PaulRomains 15. 27.
Ainsi, d’un côté, Paul s’engage à réparer le tort éventuel d’Onésime et d’un autre côté, il désire tirer un profit3 de Philémon. En effet, si ce dernier accueille favorablement Onésime, ce sera un rafraîchissement pour Paul qui s’oublie pour les autres ! Il pourra réaliser la parole du Seigneur qu’il rappelait aux anciens d’Éphèse, quelques années auparavant : “Il est plus heureux de donner que de recevoir” Actes 20. 35.
Paul a confiance en son frère : Philémon est pieux et fidèle et il obéira (verset 21) – non pas à l’apôtre, qui s’est contenté de le prier, mais à son Seigneur. Faisons confiance à nos frères et sœurs et surtout au travail de l’Esprit dans les cœurs. “L’amour espère tout, croit tout” 1 Corinthiens 13. 7.
La fin du verset 21 est sans doute une très délicate allusion à un éventuel affranchissement d’Onésime. Le fait que Paul ne précise pas davantage sa pensée est une nouvelle preuve de son tact. Le christianisme n’a pas accompli de révolution sociale à ses débuts, mais il a eu une influence indéniable en ce qu’il a opéré dans les cœurs sans contrainte.
La lettre à Philémon semble avoir été écrite vers la fin de la première captivité de Paul à Rome. Il espère être bientôt libéré et pouvoir visiter les Colossiens. Sa confiance en son frère (verset 21) pourrait-elle être déçue lors de cette visite ? Ce projet est donc un motif de plus pour Philémon d’agir conformément aux prières de Paul. Ce dernier met sa prochaine libération au crédit des prières de ses frères et sœurs à Colosses. Dans les épîtres de sa captivité, il met en exergue l’importance de ces prièresÉphésiens 6. 18, 19 ; Colossiens 4. 3. L’épître aux Hébreux nous exhorte à nous “souvenir des prisonniers” Hébreux 13. 3. C’est dire la valeur et l’efficacité que peuvent avoir les intercessions ferventes d’une assemblée en faveur d’un croyant persécuté ou d’un serviteurActes 12. 5.
Les salutations mentionnent les noms de divers compagnons de Paul (verset 23). L’apôtre n’est pas seul à servir le Seigneur et il se plaît à mettre en relief l’activité de chaque frère, soit près de lui en prison, soit dans le service. Dans les énumérations qui terminent généralement ses épîtres, on sent le besoin de Paul d’être entouré et aidé de ses frères. Cela rend d’autant plus poignant le constat qu’il est obligé de faire à la fin de sa vie : “Tous m’ont abandonné” 2 Timothée 4. 16.
Onze personnes sont mentionnées dans cette lettre (Paul, Timothée, Philémon, Apphie, Archippe et Onésime, puis les cinq frères qui envoient leurs salutations à Philémon). Singulièrement, le Seigneur est mentionné onze fois également (versets 1, 3, 5, 6, 8, 9, 16, 20, 20, 23, 25). C’est comme si, d’une part, il était à la fois le douzième et le premier parmi eux, et d’autre part, il était là, présent avec et pour chacun d’eux.
La salutation finale de cette épître n’est pas habituelle : elle ne se retrouve que dans deux autres épîtresPhilippiens 4. 23 ; Galates 6. 18. Ici, elle est particulièrement adaptée : quand une situation a été réglée par un effet de la grâce de Dieu, il arrive que notre esprit chagrin et mesquin ne s’en contente pas et désire revenir sur ce qui s’est passé, au lieu de se reposer tranquillement dans la paix retrouvée. Cela engendre un nouveau trouble qui n’est pas profitable. Peut-être Paul a-t-il ici cette crainte par rapport aux Colossiens en général et à la maison de Philémon en particulier. Alors il souhaite que la grâce habite et opère dans l’esprit de chacun afin de prévenir le retour de ce trouble.